S03E03 Relations de couple et de séduction dans un contexte post-me-too avec Kharoll-Ann Souffrant

Segment 1 : Introduction

(générique d’introduction)

Laurie : Allô, allô à toutes avec un criss de gros E à cause c’est toujours ben la base essayer d’inclure tout l’monde! Pour celleux qui nous écoutent pour le première fois, toutEs ou pantoute, c’est comme ton amoureux qui ressent pas le besoin de crier sur tous les toits qu’il est féministe mais qui t’appuie et t’accompagne réellement dans tes luttes quotidiennes. On l’espère…

Alexandra : Existe-t-il? (rires) Aujourd’hui, on amorce notre séquence de 2 épisodes sur les relations interpersonnelles. On parle de sexisme, d’amour et de relations de couple à l’ère de la prise de conscience populaire du féminisme. Je parle avec Kharoll-Ann Souffrant, travailleuse sociale, conférencière, militante et chercheuse dont la thèse de doctorat porte sur les violences sexuelles vécues par les femmes noires au Québec en lien avec les mouvements #Moi Aussi de 2017 (#MeToo) et #AgressionNonDénoncée de 2014 (#BeenRapedNeverReported). 

Après l’entrevue, on va continuer à parler de sexisme relationnel, de traumas et blessures, et de pistes de solutions. 

Laurie : Pis on va conclure avec une participation spéciale mais récurrente de toutEs ou pantoute revisitée, à la fin de l’épisode. Une collaboration qui nous fait tripper ben raide pis qui va vous faire regretter d’avoir fait stop avant la fin si jamais c’est votre genre. 

Alexandra : Faites pas ça! On commence cet épisode drette là, à la vitesse où les couples hétéros d’Hollywood finissent en divorce quand la femme remporte un Oscar. Ici Alexandra Turgeon, en direct de Trois-Pistoles sur le bord du fleuve (vagues).

 Laurie : et Laurie Perron en direct de Villeray (klaxons).

Ensemble : Vous écoutez toutEs ou pantoute!

Segment 2 : Présentation du sujet et de l’expertE

(Intermède musical)

Laurie : Tout au long de la saison, on va explorer les thèmes choisis en les étirant sur deux épisodes qui vont en explorer des facettes différentes, mais toujours avec la même approche féministe, queer et interrégionale. L’un des épisodes va être plus intello, recherche, philosophique, remise en question de toute, pis l’autre, plutôt créatif, artistique, féérique. 

Aujourd’hui, c’est Alex qui prend le lead avec un épisode ancré dans son univers nerd et émotif. 

(Intermède musical)

Alex : Ok let’s go, on part! Mais avant, side note, si vous avez le goût d’avoir encore plus d’épisodes de toutEs ou pantoute où on continue de jaser des mêmes sujets sur des angles différents, considérez vous abonner à notre Patreon, au Patreon.com/toutesoupantoute! On a des bonus pas mal à tous les mois, pis on y est plus décontrac’, plus personnellEs (encore!) et on dit ce qu’on a pas eu le temps de dire dans les épisodes réguliers. 

Laurie : Vous pouvez aussi nous faire des dons non récurrents si vous avez peur de l’engagement, les liens pour ce faire sont dans les notes de l’épisode! Pis aussi vous pouvez juste être là pis écouter, c’est déjà tellement hot. 

Alex : O.K., on arrête de parler d’argent, c’est malaisant.

Ma réflexion quant à l’épisode d’aujourd’hui part de mes observations du contexte actuel et de son impact sur les relations de couple que je vois dans mon entourage. On a vécu dans les dernières années plusieurs mouvements de dénonciations publiques d’agressions à caractère sexuel. On a fait un épisode là-dessus à l’occasion de la journée contre la violence sexuelle faites au femmes, en septembre 2021, que je vous invite à écouter, mais les mouvements de dénonciations auxquels je pense, c’est à Me too en 2017, Agression non dénoncées en 2014, et le mouvement de dénonciations en ligne à l’été 2020, ici au Québec en particulier, qui nous ont ben shakéEs toute la gang, pis un peu fait évoluer, je pense, dans nos prises de conscience du sexisme relationnel, ou du sexisme ambiant. De la culture du viol, en fait, dans notre société.  Personnellement, dans mon réseau, j’ai remarqué que ces mouvements-là ont beaucoup fait pour ramener le féminisme, le consentement, pis pour toute nous conscientiser un peu, pis ce que je remarque, c’est que ça a joué sur notre capacité à tolérer les violences pis les oppressions pis les inégalités au sein de nos relations amoureuses.Pis ce que je me demande, dans le fond, c’est savoir si on est encore capable d’être en relation hétérosexuelle, en 2022, pis d’être féministe, pis de se sentir bien. C’est ça ma question aujourd’hui.

Laurie : On va y répondre sans aucun doute.

Alex : Sans aucun doute on va avoir une réponse très claire. (rires)

Cet épisode-ci m’a vraiment challengé dans ma préparation. J’avais peur de me confronter à la difficulté à être en couple hétéro, parce que je suis dans un couple hétéro. J’avais peur, en faisant mes recherches, de lire ma vie dans les descriptions de relations abusives et de sexisme relationnel – pis c’est ça qui est arrivé yé! pas dans mon couple actuel, je vous rassure, dans mon passé- mais c’est exactement ça le but de l’épisode, de questionner ça, et tenter d’être mieux là dedans, et c’est pas en se mettant la tête dans le sable qu’on va y arriver! Fait que let’s go

Je veux faire un traumavertissement (TW) qu’on va parler de violences sexistes et sexuelles dans cet épisode, donc faites attention à vous.

O.K., j’ai fini! (rires) 

On va commencer en vous présentant mon entrevue avec une experte des mouvements de dénonciations et de leurs suites, Kharoll-Ann Souffrant.

Née à Montréal et d’origine haïtienne, Kharoll-Ann Souffrant est travailleuse sociale, conférencière, candidate au doctorat en service social à l’Université d’Ottawa,. Sa thèse porte sur les violences sexuelles vécues par les femmes noires au Québec en lien avec les mouvements de dénonciations publiques. Kharoll-Ann a œuvré à titre de bénévole, intervenante et de travailleuse sociale auprès de populations présentant des difficultés psychosociales diverses. Elle s’est fait beaucoup connaître pour son militantisme contre les violences sexuelles faites aux femmes, aussi, pis pour la promotion de la santé mentale. Bref, c’est vraiment une star, pis j’avais vraiment hâte qu’on puisse la recevoir à l’émission, fait que je suis super honorée. 

Elle a parlé avec moi d’une crise de confiance interpersonnelle et envers les institutions en ce qui a trait aux violences sexistes, de la façon dont les mouvements de dénonciation ont exclu les femmes noires, et de comment elle se sent face à l’avenir en pensant aux violences sexistes. 

On revient de l’autre côté de l’entrevue, Laurie et moi, pour continuer de parler de ce qui nous empêche d’être heureuses en amour, de sexisme relationnel, pis on essaie de trouver des solutions, parce qu’on va être ben à boute, pis parce que moment donné, ça va faire! (bruits de chat fâché) À tantôt!

Segment 3 : Entrevue avec Kharoll-Ann Souffrant 

(Intermède musical) 

Alex : Kharoll-Ann Souffrant, allô, bienvenue à ToutEs ou pantoute! Merci d’être là.

Kharoll-Ann : Merci de l’invitation!

Alex : T’as beaucoup étudié, dans les dernières années, les mouvements de dénonciations publiques, principalement de la perspective des femmes noires au Québec. On parle beaucoup de l’héritage de ces mouvements-là dans la société pis dans les systèmes de justice, d’éducation, dans la façon de parler socialement d’agressions à caractère sexuel, aussi, mais on a le goût, dans l’épisode d’aujourd’hui, de parler de ça, mais de parler aussi, du privé, de ce que les mouvements de dénonciations ont pu changer dans les relations interpersonnelles. Selon toi, qu’est-ce que ce contexte-là, pis les réalisations et les changements de conversations que ça peut avoir, ont pu changer dans les dynamiques interpersonnelles? Au privé, dans les relations de couple, pis même dans les relations d’amitié, ou des relations professionnelles. Qu’est-ce que t’as observé, c’est quoi tes réflexions par rapport à ça?

Kharoll-Ann : Mes réflexions sont encore en cours, parce que j’ai pas fini mon doctorat pis c’est encore quelque chose que je travaille beaucoup là-dessus, mais personnellement, moi, dans ma vie, depuis que je suis associée au mouvement Me too, y’a une chose que j’ai remarqué, pis qu’on me dit aussi, c’est que des fois, les gens sont un peu plus craintifs, y’a des hommes qui sont un peu plus craintifs de m’aborder. Ils pensent qu’ils vont se faire dénoncer et tout ça, pis Me too c’est, en fait, moi je comprends pas ce mouvement-là de cette façon-là, parce que quand on regarde l’histoire du mouvement Me too, c’est vraiment dans un contexte, pis le mouvement, en devenant viral, est devenu quelque chose d’autre, mais moi, je m’inscris beaucoup plus dans la perspective de Tarana Burke, quand elle a fondé ce mouvement-là, avec des jeunes filles noires, dans les quartiers défavorisés, c’était un mouvement de solidarité pour les femmes et les filles noires. Je le vois pas comme un mouvement où on veut faire tomber des hommes puissants, c’est pas vraiment comme ça que je le comprends. Mais j’en parle depuis plusieurs années de Me too, pis en juillet 2020, c’est plus là qu’on m’a vu plus par rapport à cet enjeu-là. Y’avait des hommes qui me surveillaient en ligne parce qu’ils pensaient que je savais quelque chose pis que j’allais les dénoncer, mais moi je fais pas ça dans la vie, c’est pas ça mon travail… fait que c’est particulier, cette dynamique-là, de sentir que y’a des hommes, des fois, qui s’évaporent en quelque sorte de ton entourage quand on parle publiquement de violences sexuelles, pis je suis pas la seule à qui ça arrive, j’avais des amies qui m’expliquaient que quand elles parlent de ces sujets-là publiquement, c’est des choses qui leur sont arrivées aussi. 

Alex : Tu parles souvent d’une crise de confiance quand il est question des violences sexistes. Une crise de confiance tant au niveau personnel qu’au niveau systémique, donc envers les individus, mais aussi envers les institutions qui sont censées nous protéger. Peux-tu nous en parler un peu? 

Kharoll-Ann : Souvent, moi, je suis aussi une survivante, pis quand on vit des violences sexuelles, oui, y’a la personne qui nous a agressé, qui nous a fait du mal, etc., mais quand on se tourne… parce que moi, c’est arrivé dans un cadre sportif, pis je m’attendais à ce qu’on me protège, qu’on soit bienveillant envers moi, pis c’est pas ça du tout qui est arrivé. Y’a une trahison au niveau de l’institution qui est une trahison à part entière, pis y’a même des chercheurs qui appellent ça la trahison institutionnelle, y’a des écrits là-dessus, quand on s’attend, quand on est victimisés pis qu’on s’attend à ce qu’une institution nous supporte, nous soutienne, pis finalement, l’institution se protège plus elle-même que les jeunes qu’elle prétend défendre ou protéger, pis que c’est un choc et un trahison en soi. Je pense que ça arrive dans beaucoup de milieux, dans les universités, dans le système de justice, souvent les institutions vont se renfermer sur elle-même pis se protéger plutôt que de protéger les intérêts réellement des personnes dont elle a la responsabilité, en quelque sorte. C’est quelque chose qui est assez commun, mais en même temps très choquant et très troublant, pis je pense que c’est pour ça que les gens vont beaucoup sur les médias sociaux, parce que y’a des personnes qui ont essayé de dénoncer de manière formelle et elles sont confrontées à beaucoup de barrière quand elles essaient de le faire, ou même de la revictimisation, un deuxième traumatisme, donc c’est l’institution qui s’attend qui nous protège, parce que c’est ça le discours qu’on entend, « oui, venez nous voir, dénoncez! », pis au final, y’a beaucoup de barrières pis d’embûches quand les personnes essaient de le faire, donc c’est une crise de confiance envers l’institution aussi, je dirais. Quand j’entends des gens qui critiquent les mouvements comme Me too, qui critiquent les gens qui dénoncent en ligne, ou y’en a qui disent que c’est juste un effet de mode, c’est juste pour suivre une tendance, je trouve que c’est des propos qui sont très dommageables, parce que quand on regarde les statistiques, pis elle sont très conservatrices les statistiques en matière de violences sexuelles, on sous-estime nettement le nombre de personnes qui ont été touché par ce phénomène-là. Juste un exemple, moi j’enseignais à l’université cette année, pis je lisais les travaux de mes étudiantEs, pis la plupart d’entre elles étaient toutes des survivantes, dans leurs travaux, c’était quelque chose qu’elle dévoilait dans leur travail et à l’écrit, pis c’était des choses qu’elles avaient pas nécessairement dites à quelqu’un avant, ou des fois c’est dans mon cours qu’elle a réalisé qu’elle était une survivante. Y’a vraiment beaucoup de personnes dans la société, pis y’a des hommes aussi, y’a des personnes des communautés LGBT aussi qui ont vécu ça, pis quand on entend des discours comme « c’est juste une mode, c’est juste pour suivre une tendance », la personne qui dit ça ne réalise pas qu’elle est peut-être assise à côté de quelqu’un qui est une survivante, pis elle le sait pas tellement que c’est répandu dans la société. Personnellement, moi, je peux compter sur les doigts de ma main les femmes qui me disent qu’elles ont jamais rien vécu de la sorte, pis juste ça en soi c’est très perturbant, donc je pense que le monde réalise pas à quel point c’est un problème vraiment répandu, malheureusement, pis partout à travers le monde, pas juste ici. Nos institutions arrivent pas à, il y a beaucoup de travail à faire au niveau des institutions pour savoir comment avoir des protocoles qui accompagnent vraiment les victimes pis les revictimisent pas, en quelque sorte. Pas juste le système de justice, mais d’autres institutions aussi, donc y’a beaucoup de travail à faire pour être du côté des victimes pour de vrai pis que la honte change de camp pour de vrai, comme on dit. 

Alex : Je veux souligner quelque chose de super important par rapport aux mouvements de dénonciations dont on parle depuis tantôt, que t’as soulevé dans plusieurs de tes prises de paroles à ce sujet. Tu as écris un texte notamment par rapport au fait que pour toi, le mouvement Me too n’avait pas résonné comme il l’a fait pour d’autres. Tu en parlais un petit peu au début, c’est un mouvement qui a été réapproprié, pis que ce n’est pas ce mouvement là qui t’a aidée à dénoncer, mais plutôt le mouvement Black Lives Matter. Est-ce que ça a été plus difficile pour toi de t’identifier au mouvement Me too, et si oui, peux-tu nous en parler?

Kharoll-Ann : Je peux expliquer un peu mon parcours avec ce sujet-là. Ça fait depuis que je suis au secondaire que je m’intéresse à la question des violences sexuelles, c’était même avant que je sois moi-même une survivante, pis quand ça m’est arrivé de devenir survivante, j’avais pas anticipé que j’allais en parler dans ma vie, pour moi c’était comme… je travaille sur ce sujet-là en tant que chercheuse, en tant qu’intervenante, en tant que militante, pis c’est quelque chose que j’ai pas forcément envie de dévoiler. En 2020, je sais pas pourquoi, je pense que c’est tous les mouvements sociaux qu’il y avait, je me suis sentie inspirée pour écrire une lettre ouverte dans La Presse, pis c’était la première fois que j’en parlais de cette façon-là. Oui, Black Lives Matter ça m’a beaucoup plus impacté, parce que souvent quand je voyais Me too et tout ça, même si c’est un mouvement qui vient des femmes noires, elles ont complètement été effacée de la couverture médiatique par la suite, pis je m’identifiais pas forcément aux personnes que je voyais à la télévision en parler, mais Black Lives Matter ça m’a plus parlé, parce que dans ce que j’ai vécu, y’avait beaucoup de racisme et de classisme… quand on lit ma lettre ouverte, on comprend très bien c’est quoi, l’intersectionnalité, c’est quelque chose qu’on m’a dit, parce que c’était vraiment plusieurs couches de violences sur plusieurs facettes de mon identité, si je peux le dire ainsi. Je me disais que je pouvais pas enlever le racisme, c’était vraiment présent dans ce que cette personne-là me disait, c’était pas quelque chose qui était en arrière, c’était vraiment omniprésent, fait que Black Live Matter m’a beaucoup plus inspiré dans ce sens-là, parce que je me disais que oui, y’avait du racisme aussi, pis que c’était pas quelque chose qui était dissociable, pis c’était pas classe sociale aussi, parce que je viens d’un milieu assez modeste, fait que c’est un peu pour ça que je me suis plus identifiée à Black Lives Matter versus Me too quand j’ai voulu dénoncer, pis je pense que j’étais juste rendue-là, aussi, j’étais prête. Ça faisait quand même plusieurs années que je vivais avec ça, pis même les gens me l’ont dit après : « t’as pas l’air de la même personne depuis que t’as dénoncé ». C’est quelque chose qui a ouvert, vraiment, c’est dans mon visage, quelque chose qui s’est ouvert, je me sens mieux, c’est comme un poids qui est sorti… c’est sûr que ça guérit pas à 100% ce que j’ai vécu, mais y’a vraiment un changement. 

Alex : Tu disais tantôt que le mouvement Me too a beaucoup effacé l’expérience des femmes noires, d’abord en étant récupéré par des personnalités publiques majoritairement blanches alors que le mouvement a été initiée par une femme noire, rappelons-le, mais aussi dans le choix des causes auxquelles les médias et la justice ont choisi d’être empathique. La parole des femmes racisées est aussi beaucoup plus délégitimée que celle des femmes blanches qui dénoncent. Selon ta recherche pis selon tes réflexions, comment t’as l’impression que cet effacement a affecté et continue d’affecter les communautés noires et plus particulièrement les femmes noires victimes de violence sexuelle aujourd’hui ?

Kharoll-Ann : Ben en fait, c’est vraiment le cœur de ma thèse doctorale ce que tu viens de nommer, c’est vraiment ça que je veux aller explorer. C’est ça qui me préoccupe beaucoup, ça été quoi l’impact de cet effacement-là pour les communautés noires, mais c’est quelque chose qu’on voit souvent, même avec l’intersectionnalité, même si c’est une théorie universitaire qui est beaucoup mobilisée par des femmes blanches pis pas vraiment par des femmes noires en milieu académique, pis je le vois vraiment. Même Black Live Matter, c’est des femmes queer pis noires qui ont créées ce mouvement-là, pis elles ont été effacées au profit des hommes noirs. Y’a une chose que je dirais aussi, c’est que les femmes qui dénoncent, qui sont publiques, je trouve que c’est quand même important d’avoir des figures publiques qui dénoncent, même si elles sont blanches, parce que ça permet de normaliser ces expériences pour celles qui les vivent, ça prend quand même du courage, même si elle sont blanches, de dénoncer. J’ai pas vraiment d’animosité envers ces personnes-là parce qu’il y a eu une appropriation en quelque sorte du mouvement. Je trouve que c’est un travail important qu’elles ont fait pis ça a mis l’enjeu sur le radar de l’opinion publique, mais après, quand on pense pas aux personnes plus marginalisées et qu’on libère certaines survivantes, mais qu’on en oublie d’autres. Je suis vraiment de l’avis que quand on centre les personnes plus marginalisées, tout le monde y trouve son compte, parce que les personnes les plus marginalisées, elles savent c’est quoi vivre de l’oppression, elles savent c’est quoi être marginalisées, donc quand on centre ces personnes-là, on trouve des solutions pour tout le monde, pas juste pour une petit groupe de personnes. Par exemple, toute la question du système judiciaire, on parle beaucoup de l’améliorer, de le perfectionner, mais pour beaucoup de femmes racisées et de femmes noires, ce n’est pas vraiment une option. Si une femme se faisait agresser par un homme de sa communauté, avec tous les enjeux de profilage raciale, de brutalité policière, de la surreprésentation des personnes noires dans le système de justice, c’est pas facilement une option, pis ça peut-être vu comme une trahison communautaire aussi. Y’a aussi tous les mythes qui ont été construits autour de la sexualité des hommes noirs pis des femmes noires qui viennent s’impliquer là-dedans, donc ça devient compliqué pour les femmes noires de dénoncer publiquement ces choses-là, ou en général. Je pense qu’il faut avoir plusieurs sortes de solutions, pas juste pour les communautés noires, mais pour toutes les survivantes, parce que chaque histoire est différente, pis même une personne qui a été victimisée plusieurs fois au cours de sa vie, chaque situation peut avoir une solution qui est différente. Y’a des gens qui veulent passer par la justice réparatrice pis ils trouvent beaucoup plus le sentiment de justice par rapport à ça, y’en a d’autres qui veulent faire autre chose. Moi, ce que je fais en ce moment, comme d’écrire, ça m’a vraiment réparée, pis j’ai pas porté plainte, je ne ressens pas le besoin de porter plainte pour le moment. Y’a différentes définitions de la justice, pis je pense qu’il faut élargir notre définition de c’est quoi la justice quand on est survivante. C’est vraiment quelque chose qui appartient à chaque personne qui l’a vécu de déterminer qu’est-ce qu’elle a besoin, pis comment elle peut répondre à ce besoin-là. C’est pas forcément le système de justice carcérale ou pénale qui peut répondre à tous ces besoins-là qui sont très complexes pour chaque survivante. 

Alex : On s’intéresse beaucoup, dans l’épisode d’aujourd’hui, aux complexités d’exister en relation hétérosexuelle en étant féministe, et en étant constamment consciente des diverses inégalités et oppressions sexistes qui peuvent exister dans la société, mais aussi dans l’intime, donc aussi dans notre relation de couple. Concrètement, penses-tu qu’on peut être en relation de couple hétéro et être féministe sans vivre constamment de la dissonance cognitive? As-tu des réflexions à propos de ça? 

Kharoll-Ann : C’est une question qui est très complexe. Moi, personnellement, ça m’est arrivé des situations où quand je m’affirme ou que je dis que je suis pas d’accord, ça prend pas grand chose pour me laisser tomber. Parce que je suis pas d’accord, parce que je veux pas faire quelque chose qui me rend inconfortable, dans des contextes avec des hommes, par exemple, mais je sais pas à quel point c’est généralisé, je veux pas généraliser non plus, mais c’est quelque chose que j’ai observé. Dès que tu as un peu d’opinion, que tu t’exprimes plus, soit ils t’approchent pas du tout ou soit c’est comme « elle est difficile, elle! Elle a des opinions. Elle voudra pas faire tout ce que je veux, quand je veux. » C’est quelque chose que j’ai vécu. On vit dans un système patriarcal, c’est sûr que ça a des impacts dans l’intime, dans les relations hétérosexuelles, ça a sûrement des impacts. Je sais pas combien de personnes sont en couple hétérosexuel qui sont vraiment heureux dans leur couple, c’est des questions que je me pose des fois. 

Alex : Pis mettons, pour conclure, est-ce que c’est fini, selon toi, ou y’a de l’espoir? Est-ce que le couple hétérosexuel monogame pis les relations de séduction et de couple hétérosexuelles telles qu’on les connait, qui sont normalisées dans nos sociétés, sont vouées à reproduire des dynamiques d’inégalité pis de violence? Ou est-ce que tu te sens un petit peu plus optimiste que moi?

Kharoll-Ann :  Moi, j’ai quand même espoir, mais je suis de nature optimiste. Juste un exemple, il y a quelques années, j’étais dans le métro de Montréal justement, pis il y avait un homme qui m’importunait, pis un jeune garçon, je pense qu’il était dans la vingtaine, est intervenu à deux reprises pour que cet homme-là me laisse tranquille, pis vraiment de manière ferme. J’étais comme surprise… il était avec sa copine, sa soeur, pis il est vraiment intervenu de manière ferme : « laisse là tranquille! ». Le monsieur était tellement gêné qu’il est sorti à la prochaine station. Je me suis dit « O.K., la société est en train de changer », parce qu’habituellement, c’est tout le temps moi qui intervient pour que les hommes arrêtent d’importuner les gens dans le métro, pis là, finalement, c’est quelqu’un qui me défendait, c’était la première fois que ça m’arrivait. On voit aussi que, dans les médias, on en parle de plus en plus, y’a des changements de lois, y’a des comités d’experts qui sont mis sur place, y’a des discussions que je pensais pas qu’on aurait un jour par rapport à cet enjeu-là. Je me rappelle, quand j’étais au secondaire, ce qui m’a initié à ce sujet-là, c’est parce que j’avais une collègue de classe qui a fait un dévoilement, pis elle a dit « y’a un gars dans la classe qui m’a agressée », pis à l’époque, y’a personne qui l’a crue, tout le monde disait « t’es une menteuse, tu fais ça pour l’attention ». Elle a comme ravalé son histoire, pis elle en a jamais reparlé, pis moi à l’époque, je me suis demandé pourquoi on croit pas une personne qui a été victime d’un crime? C’est une question qui est restée finalement, pis c’est pour ça que j’étudie ce sujet-là, ça m’a toujours perturbée, parce que je vois pas une personne qui se fait voler son auto pis ils vont dire qu’elle invente pour l’attention. On voit pas ça avec d’autres crimes, mais on voit toujours ça avec les violences sexuelles. C’est quelque chose qui m’a toujours habitée. Même si la culture du viol est encore là, pis y’a encore des discours qui remettent en doute la parole des victimes, je pense qu’on a quand même avancé. J’ai quand même de l’espoir. Mais ça changera pas du jour au lendemain au complet! 

Alex : Kharoll-Ann Souffrant, merci énormément pour ton temps pis pour cette discussion-là que j’ai trouvé vraiment passionnante. On va mettre les liens vers tes plateformes dans les notes de l’épisode. On est vraiment honoré.es que tu sois passée à ToutEs ou pantoute!

Kharoll-Ann : Merci à toi!

Segment 4 : Retour sur l’entrevue avec Laurie et Alexandra

(Intermède musical)

Alex : Merci encore à Kharoll-Ann Souffrant pour ton temps et ton expertise. Laurie, comment tu te sens?

Laurie : Écoute, c’est une grosse entrevue, gros sujet… Je me sens quand même bien, parce que vous avez fini l’entrevue sur une belle note d’espoir, pis je pense que comme Kharoll-Ann, moi aussi, dans vie, j’essaie vraiment de me donner moi-même une petit shot d’espoir. Ce qui m’a marqué le plus, je pense, c’est quand elle parlait, dès le début de l’entrevue, de la crise de la confiance envers les institutions, pis que ça devient, au final, tu vis l’agression pis par après, t’es un peu agressé.e par le non-support autour de toi. C’est vrai que ça complique vraiment la guérison. Pis oui, vivement l’espoir, quand même. 

Alex : Pour le reste de l’épisode, j’ai pensé à une progression de mes idées vraiment exagérément multiples par rapport à ce sujet pour qu’on sente qu’on s’en va toutEs à même place ensemble, fait que voici mon sujet divisé pour le reste de l’épisode: on va se demander si être féministes nous empêche d’être heureuses en amour, on va parler du sexime relationnel, de c’est quoi un peu plus concrètement, on va parler des autres facteurs qui font qu’on peut être ben tanné.es d’être en relation, les traumas et blessures, pis on va finir avec du positif pour se laisser pas trop à boute.

Je me base beaucoup dans cet épisode-ci, entre autres, sur le livre Réinventer l’amour de Mona Chollet, qui est sorti juste à temps pour la préparation de cet épisode, mais aussi sur le podcast Le coeur sur la table de Victoire Tuaillon, et un épisode du podcast Les sorcière par Judith Lussier, «L’amour au temps des divisions» avec Bochra Manaï, Rim Mohsen et Dalila Awada où elles parlent beaucoup de relations amoureuses et de traumas liés à la race et au genre. Ça a alimenté mes réflexions beaucoup, je vous invite à l’écouter, ça va être dans les notes de l’épisode. 

(Intermède musical)

Premièrement, je pense qu’une des choses super importantes en relation, c’est de se sentir en sécurité, d’être comme en safe space, de pouvoir être soi-même pis de pouvoir nommer ses besoins pis de les voir accueillis avec bienveillance. Pis je pense que c’est pas toujours ce qui se passe dans une relation de couple, principalement quand une des deux personnes vit des oppressions que l’autre ne vit pas, et est encouragée par la société patriarcale à déligitimer. Je pense particulièrement aux hommes cis. ans l’épisode du podcast Les sorcières, justgement, une des invitées nommait que dans son couple, elle parlait principalement du fait que son amoureux est blanc, et elle arabe, si amoureux ne vit pas le racisme qu’elle vit, mais elle trouve ça super important qu’il soit aussi fâché sur les mêmes affaires qu’elles, c’est vraiment ça qui est important pour elle, plus que le fait qu’il ait vécu les mêmes traumas. Je trouve ça intéressant pis vraiment on point, aussi.

Laurie : Je trouve aussi que, quand ça va bien, dans une relation, ou quand on est dans le quotidien et qu’on parle de faire l’épicerie, ou de quelle couleur de draps on va mettre sur le lit, c’est une chose, ça se fait moins sentir ces différences-là entre les oppressions qu’on peut vivre, mais en moment de crise, ou en moment où on se sent brimé.e ou délégitimisé.e par rapport à quoi que ce soit, ben là, ça devient vraiment dur, bon, est-ce que c’est ma faute, la faute de l’autre personne, anyway, souvent ni un ni l’autre, mais est-ce que je me sens comme ça à cause de l’oppression que je vis à cause de notre dynamique liée à cette oppression-là, ou y’a vraiment un problème dans le moment? C’est vraiment quelque chose qui est dur à déterminer. L’affaire à laquelle je pense, par rapport à cette question, qui me semble la seule solution dans mon cas que j’ai trouvé, c’est de tout le temps me redonner le temps d’y repenser, pis de faire « heille, faut qu’on arrête d’en parler ». Faut que j’y pense, pis essayer de démêler dans ma tête, essayer de voir, pas sur le coup de l’émotion, qu’est-ce qui appartient à quoi, pis après, arriver à dédramatiser si c’était pas un drame, pis si la personne a pas voulu contribuer à cette oppression-là, ou si oui, contrairement… en tout cas, juste de démêler tout ça. 

Alex : Ce que tu nommes, je trouve que c’est le noeud de ça, pis elles parlent beaucoup dans le podcast des Sorcières de désintellectualiser l’amour, de pas tout le temps être en train de rationaliser tout ce qu’on vit, pis de pas se culpabiliser quand on est bien dans une relation hétéro où on voit ben que y’a des inégalités, mais c’est vraiment dur, parce qu’effectivement, toutes ces affaires-là sont super dures à séparer les unes des autres. Qu’est-ce qui appartient à l’autre, qu’est-ce qui appartient au systémique, qu’est-ce qui appartient à nous, au trauma?

Laurie : Ça me fait penser sur le fly à un zine de Archie Bongiovanni, qui est une de mes artistes préférées sur Instagram, qui s’appelle Don’t overthink what feels good, pis qui parle de sexualité principalement, c’est poésie pis image parce que c’est un.e bédéiste. Je vous le conseille, je vais le mettre dans les notes de l’épisode. Parce que surtout quand on va parler de ressenti physique ou juste de sentiment de confort, je pense qu’il faut se donner le droit de les vivre sans se questionner sur si c’est correct à tout bout de champ. Après, on peut questionner les autres émotions qui nous causent du trouble, mais t’sais…

Alex : Je pense que ça peut-être difficile de séparer le patriarcat de la personne qui est en face de soi quand ça adonne que c’est un homme cis, même si on l’aime, pis en particulier si on sait que ce qu’on vit, c’est pas des situations anecdotiques. Je pense, mettons, à me faire couper la parole, moi dans vie, c’est des affaires qui me tannent, mais que je sais que c’est pas anecdotique, c’est pas nos personnalités. C’est une oppression qui est genrée! C’est pour ça que je voulais parler avec Kharoll-Ann Souffrant dans le cadre de cet épisode, parce que j’ai l’impression que vu qu’on prend conscience collectivement des violences sexuelles, du fait que c’est pas des cas isolés, ben à la fois c’est dur, parce que ça nous fait débuzzer un peu de situations dans lesquelles on est bien, mais aussi, ça nous donne du pouvoir pis ça nous aide à nous légitimer quand on vit ces affaires-là. 

Laurie : Pis c’est vrai, quand elle disait « je compte sur les doigts d’une main les personnes autour de moi qui ont pas vécu de violences à caractère sexuel », j’étais comme… Ah, t’as raison, maudit. Moi aussi. 

Alex : Oui, c’est ça, on traîne toutEs ce trauma-là avec nous dans nos relations futures, après.

(Intermède musical)

Alex : J’ai le goût qu’on explique un peu pis qu’on parle plus particulièrement le sexisme au sein des relations pis de la violence sexiste à différentes échelles. On en a parlé souvent, nos vies personnelles sont vraiment impactées par la société dans laquelle on est élevé, par l’éducation que nos parents nous donnent, qui est basé sur leur éducation à eux et leur milieu de vie, en plus des représentations culturelles dont on est bombardées, pis des injonctions sociales qui nous sont communiqués des fois de façon super gentilles et bien intentionnées, des fois, moins. Genre, si t’es pas en couple à 35 ans, tu vas mourir toute seule pis c’est super grave, ou genre, il faut avoir des enfants pour avoir une vie accomplie, la relation monogame c’est la seule relation, le reste c’est weird pis compliqué… etc. Mona Chollet, dans son livre, consacre beaucoup de temps à prouver que les relations de couple hétéro sont basées sur une érotisation de la domination et de la violence, pis je trouve ça intéressant de commencer par là. Je pense que ça vaut la peine de souligner, en partant, que la grande majorité des violences à caractère sexuel sont vécues au sein des couples, et non dans une ruelle sombre, par un inconnu. Ça arrive beaucoup pis régulièrement, pis ça part pas de nulle part. Ça se voit dans des choses aussi simples et d’apparence innocentes qu’en général, c’est assumé que dans un couple cis-hétéro, la femme doit être plus petite que l’Homme, plus mince, moins lourde, plus jeune, aussi. Son corps doit pas être trop musclé, les vêtements typiquement féminins, aussi, ça contraint le mouvement, les jupes, les talons hauts, etc. Tout ça fait en sorte qu’il y a, veut, veut pas, une domination. T’sais, une personne qui est en posture forte pis une personne qui est en posture qu’elle doit un peu se faire prendre en charge, les femmes autant que les hommes recherchent ça, un amoureux qui est plus grand qu’elle, c’est vraiment dans notre psyché. Un peu tout ça pour protéger l’égo, je pense, des hommes cis, pour qu’ils se voient comme étant plus forts, plus dominants, ceux qui nous protègent…

Laurie : Ben faut que quelqu’un protège cet égo-là, voyons! (bruit de chat fâché)

Alex : Ce qui est full intéressant, pis décalissant, c’est que statistiquement, y’a plus de divorces dans les couples où la femme est plus « puissante » que l’homme, soit au niveau de la carrière, de la reconnaissance. C’est un motif de violences physique et psychologique aussi dans les couples. Quand l’inégalité est de l’autre côté, mettons. 

Laurie : Oh, wow, sous le choc. Continue!

Alex : Mona Chollet parle aussi de Elle parle aussi de l’érotisation de la souffrance, t’sais, c’est comme toute l’idée que l’amour ça fait mal, c’est normal de souffrir en amour, si tu souffres pas, c’est que pas de l’amour, c’est surement de l’amitié. On aime mieux la passion que la bienveillance, que même la personne, on recherche plus le sentiment que le bien de la personne qui est en face de nous. Je trouve que c’est important de souligner ça parce que ça permet à la violence sexiste d’exister au grand jour sans qu’on trouve ça anormal, cette espèce d’érotisation de la violence pis de la souffrance en amour.

Laurie : C’est clair. Ça rappelle tous les fameux personnages « enfermées », genre Zelda qui est enfermée et menacée pis qu’on doit sauver, ça va aussi agrémenter ce stéréotype-là, de la force de l’homme qui va aller sauver la pauvre femme, pis là c’est donc ben sexy au final, juste le sauvetage en soi, ça donne du pouvoir. 

Alex : Oui, ça normalise le fait que c’est normal d’être triste tout le temps en amour, de se sentir coupable, de se sentir sale, d’avoir pitié, d’être fâché, c’est tous des sentiments qui faut questionner si on est dans une relation de couple. 

Laurie : Comme dans n’importe quelle relation… si on vit ça trop souvent, questionnons-le! 

Alex : Pis je pense que cette façon-là de voir le couple fait en sorte qu’on peut vivre une dissonance cognitive en tant que féministe en couple hétéro quand on voit la relation de couple comme ça. On peut se demander si le féminisme va tuer les rapports de séduction, parce que, of course, le féminisme va tuer ces rapports de séduction-là. Mais on les veut pas, ces rapports-là! 

Mona Chollet parle aussi d’éducation genrée dans la place qu’on accorde à l’amour dans nos vies pis dans nos espèces d’aspirations à une vie réussie. Je vous invite à faire de la réminiscence de votre enfance et adolescence pis à penser à la façon dont on vous parlait d’amour quand vous étiez enfants, dont les livres, films, séries télés qui étaient dirigées envers le genre qui vous a été attribué à la naissance, vous parlaient d’amour. Toi laurie, je sais pas si tu te rappelles de la façon dont on t’en parlait, ou de la façon dont toi tu voyais les relations amoureuses étant enfant et ado? Est-ce que c’est quelque chose que tu idéalisais ça, mettons? 

Laurie : J’idéalisais ça beaucoup, pis je me tirais dans le pied moi-même, parce que j’étais en dissonance cognitive, sans connaître les termes évidemment. Mais oui, je disais, pis mettais dans mon nick msn, j’écrivais des paroles de chanson pour dire comment j’étais torturée de ne pas trouver quelqu’un pour être en couple, pour être rassuré.e, j’avais l’impression qu’une personne allait donc calmer l’anxiété que je vivais, pis tout ça en m’aimant. En même temps, à retardement des fois, je me vois aller à volontairement me créer le kick sur les amis autour de moi que je savais pertinemment qu’ils étaient gays, des hommes gays, comme ça, ça me créait la barrière de l’amour impossible, je pouvais rester complètement torturée comme ado, ce qui fittait bien avec ma personnalité, sans avoir à me mettre dans la marde avec une relation de couple que je voulais pas vraiment, je pense, mais que je voulais continuer d’idéaliser parce que c’est ça qui est valorisée, t’sais. Si l’amour pis l’intérêt pour les relations amoureuses en tant que jeune assignée femme était pas au centre de ma vie, ben on dirait que ma valeur diminuait aussi. Je me rappelle d’essayer aussi d’intégrer ça dans ma pratique artistique, quand je jouais du piano, je calquais des histoires qui me touchaient pas vraiment, de couple. Alors que finalement, c’est mes relations d’amitié qui prenaient toute la place, pis qui avaient cette valeur-là dans ma vie. 

Alex : Je me reconnais tellement dans ce que tu dis, je me sentais exactement pareille. À te mettre dans des situations dans lesquelles tu sais que tu ne finiras pas avec la personne, parce que dans le fond, peut-être que ça te tente pas tant que ça, mais tu te l’avoues pas. Mais je voulais vraiment un chum, t’sais. C’était ça que je voulais, pis j’en ai passé du temps à brailler, pour du monde que finalement, je connaissais peu. C’est super parlant, parce que Mona Chollet souligne que les femmes (les personnes assignées femmes) sont socialisées à chercher la validation, la légitimation extérieure pis l’amour. Elles ont plus tendance à douter d’elles mêmes, à être insécures. Les personnes socialisées homme sont socialisés à être vraiment «autonomes», à se satisfaire eux-mêmes, pis même à consommer les relations, parce qu’ils peuvent se le permettre, comme un bien de consommation un peu objectifié. Pis les personnes assignées F, on est élevées à chercher l’amour pis à mettre l’amour sur la top pointe de la pyramide des choses importantes, ben avant «être bien avec soi-même» ou «être fière de soi», qui est pas mal plus offert aux ti-gars dans les hobbys et représentations culturelles qui leur sont offertes. 

Laurie : C’est fou, parce que t’sais, tout ce que tu dis-là, je l’ai vécu, je l’ai senti pendant mon enfance et mon adolescence, mais au final, je repense à ma mère qui m’a vraiment valorisé.e dans mes réussites, ou autre chose que l’amour, elle m’a pas dirigé.e vers ça, mais socialement, c’est tellement présent que, au final… just too bad. On a sept ans pis on se fait dire « pis, as-tu un p’tit chum? » Pis même avant ça! Mes enfants se le font dire pis iels ont trois pis quatre ans… c’est absurde.

Alex : les représentations hétéros patriarcales dédiées aux hommes cis qui  montrent le mariage pis le couple comme un bien de consommation, que tu sécures tôt dans ta vie pour t’assurer d’avoir une famille/descendance (check) pis une maison propre, pis une psy gratis, une genre de police d’assurance, qu’une fois que tu l’as t’es safe, tu peux arrêter d’y penser, ça c’est fait. Alors que la femme à la maison, il faut toujours qu’elle travaille pour rester désirable, pour rester aimée, etc., pis sa valeur décroît vraiment vite avec le temps. C’est super enrageant parce que, justement, le pouvoir des femmes là-dedans, dans la structure hétéro patriarcale, c’est leur capitale érotique pis sexuelle, ce qui fait en sorte que dans un couple, il peut y avoir une dynamique où la femme va aimer et apprécier son conjoint pour ce qu’il est, ses talents, ses réalisations, pis l’homme va surtout la désirer sexuellement, cette femme-là, pour un peu ce que ça lui fait être à côté d’une personne comme ça, aussi, aux yeux des autres hommes, comme un trophée. Pis pour l’estime de soi, c’est super difficile de se sentir surtout aimer pour son enveloppe corporelle par une personne qu’on aime pour sa personne. Pour moi, ça a vraiment résumé comment je me suis sentie dans des relations plus ou moins sérieuses, que vraiment la personne m’intéressait pis que je sentais que moi… c’était mon corps qui intéressait la personne.

Laurie : Je l’ai pas vécu, personnellement tant que ça, mais je le vois des fois, je l’ai déjà vu chez des ami.es, les chums qui m’inspirent pas confiance, ou avec qui j’ai pas le goût de travailler mes rapports, c’est les chums qu’en les rencontrant, ils vont parler de juste comment leur nouvelle blonde, soit mon amie, est chix. « Ah, osti qu’est belle, je suis chanceux, on va dormir ensemble à soir! » Oui oui, mais nous autres on est en train de parler de sa thèse de doc, on peut-tu…

Alex : Exact. Au delà de ça, je pourrais continuer pendant des années, mais le modèle de couple hétérosexuel normatif est économiquement super avantageux pour les hommes et désavantageux pour les femmes, que ce soit pour les coûts d’opportunité, souvent, on va prioriser la carrière dans un couple hétéro cis parce que c’est lui qui a le plus haut revenu, mais ça fait que, mettons qu’il y a une séparation, y’a une des deux personnes qui a acquis du capital pis pas l’autre. Souvent, après la séparation, drastiquement les femmes vont perdre 20% de leur niveau de vie contre 3% pour les hommes, qui vont se rétablir beaucoup plus rapidement, aussi. 

Laurie : Ouain… ça fait mal, hein.

Alex : Pis là, je veux comme enfoncer le clou, parce qu’on est pas encore assez à boute… Selon Mona Chollet encore, on est dans marde, même si on a la chance d’être en relation avec un homme qui est féministe pis qui est gentil.

Laurie : Oh non!

Alex : Parce que ces hommes-là, dans une relation hétéro cis encore une fois, ont un avantage structurel, c’est-à-dire que c’est une denrée rare. Si nous on perd ce gars-là, on en retrouvera pas un, alors que si lui il nous perd, il va en retrouver plein, des filles extraordinaires comme nous qui ont une intelligence émotionnelle. L’avantage de qui a le gros bout du bâton pis de qui doit se forcer pour vraiment pas perdre l’autre est vraiment dans les mains de l’homme, encore une fois. Fait que ça prend la révolution féministe mondiale pour qu’on s’en sorte!

(rires)

(Intermède musical)

Alex : En plus de toutes ces raisons systémiques et structurelles dont on vient de parler qui rendent super compliqué, on en a parlé un petit peu au début, donc je vais passer vite, mais tous les traumas personnels, le bagage qu’on porte pis qu’on a de la difficulté de la personne en face de nous, quand t’en es consciente de tout ce que vient de nommer, parce que t’sais, je pense que tout ce que je viens de nommer, ça surprend personne, c’est jusque là, c’est un peu des preuves pour se sentir plus forte là-dedans, mais on le savait, on l’a toutes vécu. Mettons qu’on a vécu des violences plus hautes sur l’échelle de la violence dans notre passé, on en garde des traumas, c’est sûr. Pire les violences sont, pire c’est de faire confiance à peu importe qui, mais en particulier dans un contexte intime pis sexuelle.  Ce que je voudrais savoir, c’est comment on fait, après une agression sexuelle ou de la violence psychologique, etc., pour faire confiance à une personne qu’on sait qu’elle a l’avantage systémique sur nous? Comment on fait pour être sûr.e que la personne en face de nous ne va pas en profiter de la pire façon possible, ou même d’une toute petite façon pas si pire, quand on a vu plein d’autre monde le faire avant lui?

Laurie : Oui, pis c’est dûr, parce qu’on pas se fier non plus toujours à ce qu’elles nous disent, ces personnes-là, parce que souvent, les personnes qui nous ont… en tout cas personnellement, je parlerai pas pour tout le monde, mais les personnes qui nous ont ou qui m’ont fait vivre ces violences-là se disaient féministes ou se prétendaient en mesure de faire attention à moi pis de vouloir prendre soin de moi, fait qu’après, chaque mot qui sera dit de « ben non, moi je te ferai pas ça » est en soi difficile à croire, pis en soi, des fois, je le ressens comme une attaque. 

Alex : Ah oui, je comprends.

Laurie : T’as pas besoin de prendre soin de moi, je vais le faire tout seul, mais je sais pas comment le faire tout seul non plus par rapport à ces personnes-là qui sont potentiellement des oppresseurs juste de par leur nature. Pis c’est chien aussi, ça me tente pas de considérer tous les hommes comme mes oppresseurs, mais comme, systémiquement, y’a quand même un peu de ça. 

Alex : Je pense que ça vaut la peine qu’on passe peut-être une petite minute à dire qu’on est capables d’avoir de l’empathie pour les personnes qui s’adonnent à être des hommes cis pis qui font fucking attention tout le temps, pis qui eux aussi, sont un peu des victimes de ce système-là, parce que ça rend toutes les relations compliquées dû aux blessures pis au manque de confiance. C’est tout le monde qui en souffre après, dans l’intime pis dans le social, je pense que c’est facile pour personne. 

Laurie : Non, exact, pis même en sortant de la cis normativité, quand je pense à des hommes trans que je côtoie, c’est plate, mais des fois je le recalque aussi, ce système-là comme si ils me le faisait vivre, mais… en tout cas, y ont même pas été socialisés comme ça, c’est pas les mêmes barèmes, c’est pas les mêmes conceptions, mais… oui, ça fait mal à pas mal tout le monde, c’est un fait, on le sait. 

Alex : Y’a énormément de victimes collatérales à chaque épisode de violence sexiste. On parle de violence sexiste beaucoup, mais ce type de relations où les oppressions sont pas miroir, ne sont pas les mêmes, peuvent se retrouver, pis c’est de ça beaucoup qu’on parle dans l’épisode des Sorcières, dans des couples mixtes, dans des couples où une personne est en situation de handicap, mais pas l’autre. C’est toutes des situations où tu peux comprendre les oppressions avec ta tête, mais tu les as pas vécues, donc veux, veux pas, tu vas avoir tendance à pas les légitimer autant qu’elles devraient l’être, je pense, pis ça peut-être super difficile au niveau de l’intime. 

(Intermède musical)

Mais là, maudite marde, y’a tu une solution? On est rendu.es au boute positif!

(rires)

On a parlé souvent, au podcast, du fait qu’il faut repenser la place du couple monogame dans nos vies, surtout avec les autres types de relations, mais ça m’est apparu comme une épiphanie que c’était super pertinent par rapport à ça encore une fois, parce que le couple tient dans nos vies une place qui est plus importante, souvent que notre valeur à nous, pis je pense que ça joue sur notre permission de se libérer de situations de violence dans une relation de couple ou dans une relation de séduction. T’sais, si on pense que la seule façon d’être une personne accomplie ou d’être heureux.se, ben on va pas sortir d’une relation. Je suis supposée être mieux en relation que tout seule, je vais rester là! Alors que si on repasse ça de l’autre côté,  ben je pense qu’on va plus avoir de facilité à faire « non, premièrement, j’ai d’autres relations dans ma vie, c’est pas parce que je suis plus dans cette relation de couple que je vais être seule ». Mona Chollet dit de renoncer à l’amour inconditionnel de l’amour, pis je pense que de recentrer les autres relations qu’on a dans notre vie par rapport à notre couple, ça peut nous aider à ne pas courir le risque d’être isolé de nos proches dans une relations de couple qui est dangereuse pis toxique, parce que c’est vraiment un mécanisme de violence psychologique et sexiste d’isoler la victime de son réseau, mais t’sais, si on a un réseau super fort, les personnes autour vont s’en rendre compte, pis on va peut-être être moins victime de ce type de violence-là.

Laurie : Oui, pis si on l’est quand même, parce que c’est pas toujours en notre contrôle de ne pas devenir victimes, si on l’est malgré nous, ben on a un réseau de support après pour au moins nous aider à encaisser le coup. Parce que c’est vraiment quelque chose classique d’être isolé de son réseau d’ami.es pis de se ramasser seul.e après, c’est une grosse technique de manipulation.

Alex : Encore une fois, c’est ça la solution, qu’est-ce que tu veux qu’on dise!

Laurie : J’adore quand la solution, c’est l’amitié pis la connaissance des enjeux. 

Alex : Ben je trouve que ça nous redonne du contrôle, on dirait que c’est quelque chose que je me dis « O.K., ça je suis capable de le faire », ça veut pas dire que j’ai pas le droit d’être en relation avec une personne homme, dans une relation hétéro, c’est juste qu’il faut pas que ce soit le centre de ma vie… je sais pas, ça nous donne du pouvoir, je pense.

Laurie : Je peux-tu répéter encore et toujours ma solution à long terme?

Alex : Vas-y!

Laurie : Input parental, je pense que c’est vraiment important d’enseigner à nos enfants, tous genres confondus, de reconnaître leurs émotions, de les vivre, mais surtout pour être capables de les gérer pis d’être capable de les reconnaître chez les autres, parce que je pense que cette intelligence émotionnelle-là permet une empathie qui peut vraiment diminuer ces violences sexuelles-là qui vont être perpétrées par tout le monde. Mais je vais le redire à chaque épisode, fait que c’est plus surprenant, c’est juste important!

Alex : Ouais. Mais là, coudonc, c’est tu tout ce qu’on avait à dire pour l’épisode d’aujourd’hui?

Laurie : Je sais pas, faut ben s’en garder pour les prochains…

Alex : Ben c’est ça! C’est peut-être toute!

(rires) 

Segment 5 :  Assis-toi sur ton sofa avec ton inconfort par Miriame Gabrielle Archin

Miriame : First thing first, même si ça déjà été nommé, je veux resouligner que le mouvement Me too, avant qu’il devienne viral et que les femmes blanches se l’approprient, a été créé par une femme noire. This is way too common! Et vraiment frustrant, parce que Imma be straight, Black Women are the least respected dans toutes les sphères confondues. Non seulement la majorité des choses d’envergure et/ou qui se ramasse dans la culture populaire provient des femmes noires, la majorité des mouvements politiques qui ont une portée significative aujourd’hui ont été initiés ou sont portés par des femmes noires, mais on se retrouve toujours et encore reléguées au second plan ou, point blank, invisibilisées. I really want to make myself clear : this world is dangerous for Black Women. Les femmes noires ne sont jamais en sécurité. Je pourrais élaborer là-dessus pendant longtemps, mais ce n’est pas le sujet principal. 

Là, j’en vois déjà être prêtes à intervenir en mode « Oui, j’ai beau être blanche, mais je suis aussi une femme, alors… » Alors quoi? Alors tu peux être solidaires, comprendre le combat, partager le combat… Non, juste non. En tant que femme blanche, vous vivez de la misogynie et être vulnérables à la masculinité toxique, la culture du viol et aux violences sexuelles, pis ça, c’est indéniable. Par contre, vous pouvez très bien profiter des représailles de la misogynoir, pis ça, c’est pas réversible. Quand on parle de notre histoire coloniale, le premier réflexe, c’est de parler des hommes blancs. Ben, we gotta be honest with each other, behind all those white men were white women. Aujourd’hui, y’a ce phénomène appelé White Women Tears, mais qu’est-ce que c’est? Pour vulgariser et rester le plus concise possible, c’est le super pouvoir que vous portez en tant que femmes blanches cis, bien entendu, parce que pour tout ce qui va au-delà des relations femmes noires et femmes blanches cis is really not my place to say, and this doesn’t mean that it’s better, though, it just means that I know my place. Donc, ce super pouvoir relie et alimente votre white entitlement, et l’image qu’on se fait collectivement de la femme blanche. J’explique. Grosso modo, c’est l’attention donnée à une femme blanche quand elle pleure. Peu importe la situation, peu importe le tort qui aurait pu être commis par la personne, et tout ça en dépit de toute personne ayant pu recevoir les représailles de la situation ou des actions commises par la dite femme blanche qui pleure. Un exemple concret : pour celles et ceux qui ont suivi cette saison, Sabrina dans OD est l’épitome du White Women Entitlement et du White Women Tears. Repensez à toute l’attention et le réconfort qu’elle a reçus, les maintes fois où elle s’est mise à pleurer en disant « je suis pas une mauvaise personne! » et ce, après avoir foiré et peu importe la situation. This is it. J’ai aussi lu, il y a un bout, un texte extrêmement intéressant qui traitait du sujet, mais, dans le contexte du travail, en ciblant plus précisément l’effet du White Women Tears dans le cadre de l’éducation. Comment se joue cette dynamique dans le contexte d’une enseignante blanche travaillant dans une école d’un quartier défavorisé, donc avec des étudiants racialisés, catégorisés comme étant plus difficiles. L’auteur se pose sur l’impact qu’a ce phénomène sur les jeunes et leur éducation, tout en mentionnant la différence de traitement donné d’une enseignante noire aux POC pouvant se retrouver dans la même position qu’une collègue blanche. Je parle de tout ça parce que… ben, crisse, c’est un podcast féministe le plus intersectionnel possible ou ce l’est pas! Mais surtout parce que, pour être réellement solidaire, c’est crucial de comprendre ces différences de traitement, et les différences dans comment peuvent se vivre et se naviguer les agressions à caractère sexuel. Une chose qui sera jamais assez répétée, c’est qu’un avancement pour les personnes blanches est un avancement que pour les personnes blanches. Cependant, un avancement pour les personnes blanches est un avancement pour TOUT LE MONDE. Souvenez-vous de la couverture de Jay du Temple pour le Elle Québec qui chantait ses louanges parce que y’est donc ben avangardiste pis inclusif… ben ça, déjà, c’est un seul exemple parmi tant d’autres, mais c’était particulièrement frustrant, parce que déjà, on parle de diversité de genres avec un homme cis en page couverture, mais aussi parce que, for real, là je me permets de parler pour la collectivité, nous sommes tannés d’entendre parler d’inclusion par des personnes blanches. C’est contre productif. Si t’es invité à te prononcer sur un enjeu ou une réalité qui te touche pas, cède ta place. Pis si tu peux pas céder ta place, parle de ta position et de ton impact sur la chose. Un bon exemple de ça est la chanson So Free du groupe Bahamas. Personnellement, je trouve que c’est une très belle chanson, pis je sais que c’est pas tout le monde qui serait d’accord avec moi, mais bon. En tant que personne privilégiée qui se fait offrir une tribune ou un espace, tu es dans le devoir de réitérer le plus possible ta position et le fait qu’il ait d’autres réalités qui orbitent autour de la tienne. J’ai un ami super swell que je vous invite à aller suivre sur Insta, son nom c’est Henri-June Pilote, shoutout à June, allô June! Pis dans le fond, il a été invité au podcast de Jay du Temple pour parler de transidentité, pis à un moment donné, y’a mentionné le fait que Pride avait commencé avec un riot. Pis là, j’ai dit… faut pas oublier que Pride a été initié par une femme noire trans et une femme latinX trans. Pis il m’a répondu : « Ah, shit! C’est vrai, j’y ai pas pensé. » Ben, l’idée avec la représentation, c’est en quelque sorte de pas oublier justement, pis d’être porté naturellement à penser et verbaliser ces choses. Pis ça, ça peut mettre en lumière plusieurs autres complexités telles que celles mentionnées par Kharoll-Ann concernant vivre une agression au sein de sa communauté. Y’a quelques années, je travaillais dans une ressource, pis pour ceux qui savent pas c’est quoi une ressource, c’est une maison pour adultes vivant avec une déficience intellectuelle, pis à cette ressource-là, y’avait un usager qui avait un trouble de comportement, pis qui avait un problème surtout avec les femme. À cette époque-là je travaillais de nuit, donc c’est moi qui supervisait le lever, le coucher pis la prise de médicaments. Un soir où il coopérait vraiment pas, l’usager a commencé à me faire des menaces pis à devenir agressif. Mon amie, qui était superviseure à l’époque, m’a dit qu’il fallait appeler la police dans ces moments-là. Moi, j’ai raccroché le téléphone pis je me suis mise à pleurer. Pourquoi? Ben parce que j’avais peur d’appeler la police.  Ma sécurité était compromise, pis mon premier raisonnement était « si j’appelle la police, ça se peut que ça dégénère pis qu’il se fasse tuer. » J’avais peur de ça pendant que j’étais en face d’un homme considérablement plus fort et plus grand que moi qui devenait agressif, tout en sachant que si jamais il m’arrivait quoi que ce soit, j’aurais été dans marde parce que c’était une job qui payait dessous de la table. Imma let y’all sit with that for a moment. Ouais…

Pour revenir à Me too, les violences à caractère sexuel pis l’invisibilisation des femmes noires, un sujet extrêmement tabou de manière générale et dans les communautés noires, les agressions commises sur les enfants et la complicité des familles qui restent silencieuses, trop d’enfants sont dans l’emprise de ce genre de situations. La particularité, dans les communautés noires, est en premier lieu, la normalisation de l’hypersexualisation des jeunes filles, et ensuite, le piédestal sur lequel les jeunes garçons sont posés. Quand j’étais jeune on se faisait garder par la belle-mère d’un ami de la famille, on va l’appeler Malandrin. So, Malandrin était lowkey connu pour être prédateur sur les bords, pis t’sais, personne disait rien, évidemment, pis un moment donné, nous étions chez cette dame qui nous gardait pis Malandrin s’amusait à s’exclamer sur comment son fils ayant le même âge que moi allait me devierger. Commentaire qu’il disait en ma présence. Et les autres adultes, incluant ma mère, ne disaient rien de plus que « Ah, arrête, t’es con! » en riant et en poursuivant la conversation. Je me souviens plus j’avais quel âge exactement, mais je me souviens que j’étais encore au primaire, fait que j’avais moins de 12 ans. La culture du viol porte mille et un visage, pis pour le combattre, faut aller à la source : les enfants. Il faut protéger les enfants en leur apprenant le consentement, le respect de leur corps et de celui des autres, mais surtout le bon vocabulaire. Pis pour protéger les enfants issus des communautés noires, ce travail doit absolument se faire simultanément avec un énorme travail de décolonisation, parce que, ben, toute est dans toute. Fait que, sur ce, je vous dis à la revoyure et si quelqu’un s’est senti inconfortable, qu’iel aille s’asseoir sur son sofa avec pour le regarder dans le blanc des yeux, ou qu’il prenne rendez-vous avec Your Black Best Friend. Tourlou! 

Segment 6 : Mot de la fin

(Intermède musical) 

Laurie : Bon, ben merci à Myriame Gabrielle Archin d’encore nous couper la parole. On commence à être tanné.es, mais je pense qu’on va l’être ben plus à la fin de la saison, parce qu’on est pas à veille de la renvoyer! 

Alex : C’est ce qui conclut cet épisode de ToutEs ou pantoute! On a le goût de savoir ce que ça vous évoque le sexisme relationnel, est-ce que vous êtes heureux et heureuse en amour? Est-ce que vous êtes gêné.e d’être en relation hétéro, si c’est le cas? Est-ce que vous êtes capable de couper le sifflet à votre petite voix qui souligne chaque situation d’inégalité genrée dans votre quotidien? Dans le prochain épisode, on va continuer de paver la route des relations et des solutions en parlant de construction des relations en dehors du schéma hétéronormatif, enfin, crisse, qui parle avec une experte sexologue. On a le goût de vous entendre pis de vous lire, donc gênez-vous pas pour nous écrire sur nos médias sociaux, on s’appelle ToutEs ou pantoute, pis on est sur Instagram pis sur Facebook, pis on a même un courriel, toutesoupantoute@gmail.com.

Laurie : Aussi, on vous invite à nous écrire si vous pensez qu’on peut s’améliorer d’une quelconque manière. C’est nos angles morts? Qui on oublie, qu’est-ce qu’on oublie? Hésitez pas à nous aider à être meilleur.es, on est pleines de bonne volonté pis on sait ben que nos connaissances sont pas à la veille de notre désir de ben faire. Si vous avez une passion, un talent, une expertise, pis que vous aimeriez partager ça comme des hommes cis partagent leurs émotions, mais dans un podcast ou une toune seulement pour mettre la charge sur tout le monde au lieu de juste leur blonde, c’est quand même respectueux, écrivez-nous! On sait pas dans quelle mesure on va pouvoir vous mettre sur la map, mais on va essayer! On veut vous connaître et on est toujours à la recherche de nouveaux sujets, et de personnes de tous horizons pour en parler avec nous en ondes. On veut sortir de nos cercles!

Alex : Merci à Kharoll-Ann Souffrant pour ton expertise en ton temps! Ça vraiment été un bonheur de t’accueillir. Merci à Miriame Gabrielle pour son nouveau segment plus que rafraîchissant. Merci à Elyze Venne-Deshaies pour les brand new jingles, avec Christelle Saint-Julien à la harpe et Henri-June Pilote aux percussions. Merci à Odrée Laperrière pour notre visuel, Merci à Cassandra Cacheiro pour les photos, à Marin Blanc pour notre graphisme, Merci à  Marie eve boisvert pour le montage, Maïna Albert pour l’habillage sonore, Merci à Ève-Laurence Hébert pour la coordination et Melyssa Elmer à la gestion de médias sociaux, Merci à Émile Perron et Cararina Wieler-Morin pour notre site web, Merci à Émilie Duchesne-Perron pour la transcription des épisodes. Merci au Conseil des arts du Canada de son soutien, et finalement, merci à vous autres d’avoir joué avec nous!

Ensemble : Bye bye! 

(générique de fin)

Fin de l’épisode