S3E4 – Bases, barèmes et limites des relations interpersonnelles avec Maïli Giroux-Dubois

Segment 1 : Introduction

(Générique de début d’épisode)

Laurie : Allô allô à toutes avec un criss de gros E à cause c’est toujours ben la base essayer d’inclure tout l’monde. Pour celleux qui nous écoutent pour le première fois, toutEs ou pantoute, c’est comme le Kansas que Dorothée veut donc retrouver tout le long de son épopée à Oz parce que tsé, home is where your heart is.

Alexandra : Aujourd’hui, on vous présente une entrevue réalisée avec la sexologue psychothérapeute Maïli Giroux-Dubois, avec qui on s’attarde à la façon dont on construit nos relations, et aux barèmes relationnels imposés par les limites et besoins des différents individus. 

Laurie : Pis on va conclure avec une participation spéciale mais récurrente de toutEs ou pantoute revisitée, à la fin de l’épisode. Une collaboration qui nous fait tripper ben raide pis qui va vous faire regretter d’avoir fait stop avant la fin si jamais c’est votre genre. 

Alex : On commence cet épisode drette là, à la vitesse où Steph accumule les pères pour ses enfants dans la Galère. Pis non, on la juge pas, c’est notre personnage préféré! 

Ici Alexandra Turgeon en direct de Trois-Pistoles sur le bord du fleuve…

Laurie : et Laurie Perron en direct de Villeray dans la grand’ ville.

Ensemble : Vous écoutez toutEs ou pantoute!

Segment 2 : Présentation de l’invitéE

(Intermède musical)

Laurie : out au long de la saison, on va explorer les thèmes choisis en les étirant sur deux épisodes qui vont en explorer des facettes différentes, mais toujours avec la même approche féministe, queer et interrégionale. L’un des épisodes va être plus intello, recherche, philosophique, remise en question de toute, pis l’autre, plutôt créatif, artistique, féérique. 

Alex : Aujourd’hui, c’est Laurie qui prend le lead, pis qui nous amène dans son univers créatif et sensible. 

O.K., avant de starter l’épisode, petite note… si vous en avez pas assez de nos épisodes réguliers, pis vous voulez continuer de nous entendre nous  pâmer sur les amitiés pis de chialer sur les relations de couples hétéro normatives, considérez vous abonner à notre Patreon, au Patreon.com/toutesoupantoute! on a des bonus pas mal à tous les mois!

Laurie : Si vous préférez nous faire des dons non récurrents si vous avez peur de l’engagement, ou juste pas envie, des fois on confond aversion et peur, les liens pour ce faire sont dans les notes de l’épisode! Pis sinon, vous pouvez juste être là pis écouter, c’est déjà tellement hot, et les épisodes réguliers sont et resteront gratuits pour toustes. 

Alex : Pour toujours!

Laurie : On commence pour vrai? 

Alex : Yes!

(Intermède musical)

Laurie : Si l’invitée du jour a un rapport professionnel au thème de la construction des relations, pour moi, elle y est aussi liée très intimement. Maïli Giroux-Dubois est sexologue psychothérapeute, co-fondatrice de la clinique de sexologie Perspectives, située à Québec. Elle a pratiqué comme travailleuse sociale, et pratique encore à titre de sexologue dans plusieurs organismes communautaires.

En 2018, elle a participé à la création du livre La couleur de l’adoption, premier livre de portraits de personnes adoptées réalisé par des personnes adoptées, que vous pouvez vous procurer au lien que je laisserai dans les notes de l’épisode. L’an dernier, on a pu l’entendre au podcast Where we at MTL.  Accessoirement (mais vraiment pas tant que ça), elle est l’une de mes plus vieilles et proches amies, et ce depuis le secondaire, ce qui fait de notre amitié une relation fondatrice de ma vie encore à ce jour. Je vais me taire, pour qu’on l’écoute. Alors c’est partie!

Segment 3 : Entrevue avec Maïli Giroux-Dubois

(Intermède musical)

Laurie : Bonjour Maïli! Merci d’avoir accepté notre invitation!

Maïli : Merci de me recevoir!

Laurie : C’est la première fois qu’on reçoit une sexologue au podcast, fait que je me disais que question de laisser le temps aux auditeurices d’apprendre à te connaître tranquillement, je vais peut-être te demander de nous faire un petit topo de c’est quoi ton métier pis qu’est-ce qui t’as amené là, c’est quoi ton approche et tout ça.

Maïli : C’est une ben grande question. Tu m’arrêteras si je parles trop parce que ce métier, c’est vraiment ma passion! Alors oui, effectivement, je suis sexologue psychothérapeute depuis quelques années, deux ans et demi déjà. Je pense que ce qui m’a amené là, c’est d’abord et avant tout la rencontre de mes souffrances individuelles dans mon parcours à moi, jumelée à l’idée que j’ai toujours cru fondamentalement en la capacité de l’être humain à évoluer pis à s’épanouir malgré ces souffrances-là, fait que tranquillement, ces réflexions et ces émotions-là ont fini par susciter chez moi et consolider une véritable fascination pour l’esprit humain pis pour ce qu’il était capable d’accomplir. Aujourd’hui, je travaille en partie dans le communautaire, dans la région de Chaudière-Appalaches auprès des délinquants sexuels, mais la majorité de mon temps, c’est vraiment aller à la clinique que j’ai fondée avec une de mes grandes amies qui est aussi psychothérapeute. Je travaille beaucoup auprès de la communauté LGBTQ+, ce qui est évidemment une belle continuité des implications que j’ai toujours eues dans la vie, entre autres dans les Chaudière-Appalaches, mais je travaille aussi beaucoup en victimisation, sur le plan sexuel entre autres, mais sur les plans de la violence de façon générale. Sinon, les motifs sont super variés, on parle de difficultés relationnelles, on parle de difficultés sexuelles, de toutes sortes d’enjeux qui touchent la naissance des ITSS, bref tout ce qui se rapproche de la sexualité et la relation, aussi, de façon générale. Sinon, en termes d’approche, la posture principale, c’est évidemment la posture humaniste-existentielle, parce que ça rejoint exactement ce que j’ai toujours pensé de beau chez l’humain, soit qu’il a les ressources en lui et en elle pour avancer dans la vie, fait que le travail dans cette posture-là, c’est vraiment d’amener les personnes à devenir le plus conscients et conscientes de ce qui les habite, donc de développer une capacité à reconnaître et à identifier les émotions qui passent à travers eux pour éventuellement les amener vers une prise de décision, dans la vie, dans toutes les sphères, mais des décisions qui sont libres, qui sont éclairées, mais évidemment qui parlent aussi beaucoup de la personne et de ce qu’elle, de ce qu’elle ressent, finalement.

Laurie : Tu parles de sexologue psychothérapeute, en fait, les sexologues, dans le fond, sont formés pour la psychothérapie en général, mais spécialisés en tout ce qui a trait à la sexualité. Est-ce que je comprends bien?

Maïli : Oui, exactement, mais pas tous les sexologues. Ceux qui font le baccalauréat sont formés en accompagnement, en soutien, en relation d’aide. Ce qui permet vraiment d’accéder au permis de psychothérapie, c’est la maîtrise clinique qui la suit. 

Laurie : Merci pour la clarification. Maintenant je nous amène drette dans le vif du sujet, parce que l’épisode d’aujourd’hui parle de construction des relations, en gros, comment on fait pour bâtir des relations saines. Ma première question dans cette angle-là, ce serait, disons, quelle bonne pratique on peut instaurer pour se donner le plus de chances possibles de vivre des belles relations épanouissantes?

Maïli : Ça aussi, c’est une belle grande question! Sur le plan théorique, qui se répond entre autres avec l’approche systémique que nous on utilise aussi en psychothérapie, dans le concept de la différenciation, qui est l’opposée de la fusion relationnelle, de la dépendance affective, dans des termes plus vulgarisés. Ce que ça implique d’être une personne différenciée, c’est de devenir, malgré qu’on soit en interaction avec l’autre, de maintenir son sens de soi, de maintenir son individualité, pis être sa propre personne à travers ça. Ça veut dire qu’on sort, à quelque part, d’une certaine tendance au sacrifice de soi, on fait de la place à ses propres besoins, à ses propres intérêts, à ses propres opinions, aussi. Ça veut dire qu’on apprend à tolérer le fait qu’il y a des différences dans notre façon de ressentir et d’appréhender le monde et les situations versus les visions que nos partenaires pourraient avoir. Ça veut dire aussi d’apprendre non seulement à, encore une fois, aller en soi pour reconnaître ce que la relation nous fait vivre, mais accepter aussi que l’autre puisse avoir une certaines réactivité dans les situations relationnelles de façon générale, donc oui, on apprend, nous, dans nos patrons relationnels qu’on développe à partir de l’enfance évidemment, mais on apprend aussi d’où vient notre partenaire, pour développer une meilleure empathie, d’abord, par rapport au parcours que lui, il aurait eu, mais aussi pour éventuellement apprendre à dépersonnaliser les conflits, pis faire une distinction entre ce qui appartient aux blessures de chacun et de ce qui appartient à la situation qu’on est en train de vivre.

Laurie : Full intéressant. Je me demande aussi, bon, je pense que ça étonnera personne qui écoute le podcast, j’en parle non-stop du fait que, moi, personnellement, je suis polyamoureuse, pis un élément qui ressort souvent dans mes discussions avec mes amiEs quand on parle de monogamie ou de non-monogamie, c’est que ces personnes-là trouvent les discussions sur les barèmes relationnels vraiment trop compliquées pis trop fréquentes pour rien, mais moi, c’est la partie qui est la plus rassurante dans une relation, même si ça implique plein de réflexions, pis je pense que même sans ses discussions-là, c’est dur de savoir identifier à quel type de relation on a affaire dans la vie. Je me disais, pour les mêléEs d’entre nous, dont tu sais que je fais partie, c’est pas nouveau, comment on fait pour différencier les différentes relations de proximité, de sororité ou d’adelphité… j’essaie d’intégrer adelphe, j’ai de la misère, mais on va y arriver, amitié, amour, etc. Comment on fait pour différencier tout ça, pis est-ce que c’est important de savoir les identifier pour les vivre sainement, ou pas tant que ça?

Maïli : Je pense que j’accroche plus sur la deuxième partie de ta question, parce que, d’abord, je pense qu’il n’y a pas de réponse absolue à ça, je pense que c’est vraiment un processus qui est unique et individuelle pour chaque personne de se définir dans ses relations, mais je pense aussi que de définir la forme de la relation, ça passe nécessairement par un espèce de processus d’étiquetage, pis ça, c’est vrai que ça peut être utile et rassurant pour certains, ça peut mettre des mots sur des expériences, mais je pense que ça peut aussi emprisonner à certains moments pis ça peut devenir étouffant. Pour moi, la stratégie à aller privilégier là-dedans, c’est d’être honnête avec soi dans la façon dont on se sent dans la relation et avec l’autre, c’est, dans la mesure du possible, d’être transparent et sincère dans la nature de ces relations-là pis d’être capable de les exprimer à l’autre pour s’assurer que tout le monde consent à cette forme relationnelle-là, quitte à ce que ces barèmes relationnels-là soient établis dans l’absence de barèmes, dans des barèmes qui sont plus exploratoires, parce que je pense l’esprit humain a tendance à avoir besoin de certitude pis à avoir l’impression que c’est juste ces certitudes-là qui méritent d’être verbalisées entre lui et l’autre, mais j’ai le goût de remettre ça en question pis de se permettre d’être libre dans cette exploration-là aussi, quitte à rouvrir la discussion plus souvent, mais se permettre d’être plus libre et plus instinctive aussi avec ce qu’on ressent dans le moment présent. 

Laurie : De toute façon, on change individuellement, de jour en jour, fait que c’est dur de croire qu’on va vouloir la même chose aujourd’hui que dans trois semaines, que dans huit ans. Une autre chose qui peut être difficile au niveau relationnel, c’est la gestion du temps. Les journées ont quand même 24 heures et les semaines ont quand même sept jours, pis les besoins de tout le monde sont différents en terme de temps qu’on accorde à une relation, pas juste en non-monogamie, mais dans la vie, avec une amie qui devient en couple du jour au lendemain alors que tu passais la totalité de tes journées avec, ben là, quelqu’un peut se sentir un peu mis de côté, rejeté, ou des partenaires amoureux qui ont réellement besoin de la quasi-totalité du temps de leur partenaire pour être confortables… Comment on fait pour trouver l’équilibre dans tout ça pis arriver à s’investir pleinement dans plusieurs relations sans négliger les autres? Ça se fait-tu?

Maïli : (rires) On espère que ça se fait, pis encore une fois, moi, je pense que tout part de la communication pis du consentement aussi dans cette optique-là, parce que t’sais, à la base, je pense qu’on a tous et toutes à apprendre à vivre avec l’idée que y’a des fluctuations normales au courant de la vie dans l’investissement qu’on fait de certaines relations à un moment X dans notre parcours de vie. Je pense que le premier piège à éviter, selon moi, c’est de le garder pour soi, cet inconfort-là. Quand on se sent négligé.e, on pourrait avoir tendance à le taire pour des raisons qui nous appartiennent, mais aussi à les interpréter, ces absences-là, pis ça, ben évidemment on les interprète en fonction de notre cadre de références, pis des fois c’est ça qui nous maintient dans la souffrance, alors que peut-être que le ou les autres partenaires demandent juste à pouvoir réagir à ça, à réaligner le tir, pis à nous ramener vers quelque chose de plus doux. Ceci dit, ça se peut que non, aussi. Si on s’engage dans ce processus communicationnel-là, je pense qu’il faut aussi tolérer le risque d’avoir une réponse qui est peut-être difficile à entendre, mais pour qu’une relation, à mon sens, fonctionne bien, je pense qu’on se doit de s’accorder le droit de s’exprimer ces choses-là. Cette distance-là, ce manque d’énergie pour s’investir à la hauteur des attentes de l’autre, mais des fois, juste d’avoir ça en tête, pis que notre ou nos partenaires aussi puissent le conscientiser, des fois, c’est tout ce qu’on a besoin pour réaligner le tir, finalement. Bref, je pense que dans toutes relations, on a la responsabilité de se responsabiliser pour la façon dont on se sent, pour amorcer ces discussions-là, même si ça peut être vraiment difficile, de se laisser être libres là-dedans, d’accepter que les mouvements sont inévitables dans cet investissement-là. Ça a l’air facile à dire de même, mais c’est souvent un objectif central qu’on travaille en psychothérapie, d’avoir accès à ça, d’être capable de départager ce qui nous appartient, nos blessures émotionnelles du passé, pis ce qui appartient à la relation. Négocier le tout. 

Laurie : Parce que c’est clair que vaut quand même mieux en parler, pis savoir à quoi s’en tenir, même si la réponse est potentiellement « ouais, j’en ai pu de temps, faut qu’on réaligne », mais quand ça arrive, si ça arrive, tu parles beaucoup de reconnaître qu’est-ce qui est à nous dans notre souffrance pis qu’est-ce qui est aux autres, si ça nous arrive de nous sentir mis de côté, ou si en abordant la conversation, la réponse est en effet que la personne pourra pas nous accorder plus de temps pis qu’il faut revoir la situation, si ça nous convient pas, comment on fait pour gérer ces émotions-là pis guérir un peu ces sentiments-là qui montent en nous face aux actions de l’autre, ou même juste à la situation, comment on est empathiques avec nous-mêmes, là-dedans, comment on se soigne?

Maïli : Je parlais de différenciation tantôt, je pense que la première clé là-dedans, c’est d’avoir accès à ça même si c’est désagréable, d’une part, mais c’est aussi de développer une stratégie d’auto-réconfort, parce que oui, on est des êtres de relations, on sera toujours les uns et les autres en interaction pis on pourra beaucoup s’entraider, mais y’a aussi des moments où on sera, encore une fois, les seuls responsables de cette émotion-là, donc trouver des stratégies pour se faire du bien, parce que oui, on passe beaucoup de temps en introspection, à réfléchir à comment on se sent, à c’est quoi le rôle de notre interprétation dans ces ressentis-là, mais vient un temps aussi où toutes ces pensées ont atteint leur maximum de potentiel d’utilité, pis là faut se mettre en action vers quelque chose qui oui, va nous distraire, mais qui va être bon pour nous, aussi. 

Laurie : Ce que j’en comprends, tu peux me le dire si je me trompe, c’est quand même que la communication, ça reste au centre des relations épanouissantes et fonctionnelles? 

Maïli : Tout à fait. 

Laurie : J’ai l’impression que tous les trucs qu’on nomme, au final, sont des trucs pour justement apprendre à reconnaître assez ce qu’on ressent pour pouvoir le communiquer pis accepter ce que l’autre a à communiquer, mais je me demande si ces trucs-là qu’on met en place pour mieux gérer nos relations, parce que je trouve qu’on est aussi en relation avec nous-même, pis des fois y’a des situations conflictuelles à l’intérieur de nous-même, aussi, pis je me demande, c’est tu les mêmes trucs? Est-ce qu’on essaye de donner de l’empathie à la partie de nous qui est donc ben pas bien, tout en restant dans la partie qui a besoin de quelque chose? Est-ce qu’on fait les mêmes trucs de communication à l’interne?

Maïli : Absolument, le plus possible. C’est drôle, parce que c’est vrai que quand on se retrouve dans une espèce de conflit interne avec nous-même, y’a un débat qui s’installe, pis ce que je dis souvent à mes clients, pis je vais revenir là-dessus parce que je trouve ça important, c’est que toutes ces informations dont on a besoin pour régler ce débat-là, encore une fois, se retrouvent dans nos émotions. On est socialisés, des fois, à mettre ça de côté, des fois, à apprendre que les émotions, c’est synonyme de fragilité et de vulnérabilité, de quelque chose de malsain ou de pas bon, mais en fait, y’a de l’information tellement riche sur ce qui est important pour nous dans nos émotions. Les fameux « arrête de pleurer », « calme-toi », oui on les intériorise, mais y’a vraiment un travail de déconstruction de ces croyances-là qui est à la base de ces bonnes relations-là avec soi-même pis une relation empathique, comme tu dis.

Laurie : Ça me fait penser à l’adage de « faut s’aimer avant de pouvoir être aimé.e par les autres » que je trouve qui est souvent un peu élitiste, parce que c’est quand même dur de s’aimer 100% nous-même avant d’être aimé.e, mais c’est quoi ta vision de ça, toi? Est-ce que tu penses qu’on doit faire le travail sur nous-même avant de pouvoir entrer dans des relations, ou ça peut se faire tout en même temps? 

Maïli : J’ose croire que ça peut tout se faire en même temps. C’est sûr qu’un adage comme ça, c’est à mon sens un peu réducteur, c’est comme une espèce d’idéal vers lequel on peut tendre toute notre vie, mais qu’on atteindra jamais, finalement, une sorte d’idéal un peu trop utopique. Je pense que oui, y’a une partie de nous qui doit apprendre à s’aimer suffisamment, pis pour moi, c’est synonyme de trouver que nos émotions sont valides, de trouver que nos besoins sont légitimes aussi, parce qu’avant de pouvoir les exprimer, évidemment faut être capables de les reconnaître nous-même comme étant des choses qui méritent d’avoir une attention. Ça répond-tu à ta question?

Laurie : Oui, full! (rires) C’était une question floue, je voulais juste savoir ce que t’en pensais, finalement. (rires) 

On en parle beaucoup de ça aussi, on en a parlé aujourd’hui, mais on en parle beaucoup aussi dans les milieux queer et féministes, de l’importance de nommer ses limites, nommer ses besoins, pis ça revient souvent, mais je me demande, y’a-tu des trucs concrets, ou comment on fait pour justement les reconnaître en nous? Parce qu’il faut toujours ben commencer par là! Qu’est-ce que tu dirais à quelqu’un qui dit « je le sais pas, moi, si j’en ai, des limites » comme moi par exemple?

Maïli : Par exemple. (rires) Bon, au risque de me répéter, tu vas peut-être me trouver tannante avec ça, mais je pense que l’énergie pis ce dont on a besoin pour tendre vers l’affirmation soi, c’est un accès spécifiquement aux émotions, oui, mais à la colère, entre autres. Encore une fois, socialement, surtout chez les personnes socialisées comme femmes, on se fait dire que c’est pas beau, ça, parce que la colère des fois c’est associé à l’agressivité, à la violence, ou c’est perçu comme un contraire au fameux caring qu’on nous demande, finalement, mais la colère, elle est saine dans la mesure où elle nous apprend quand il y a une frontière ou une limite qui est dépassée, quand y’a une besoin qui est frustré ou qui est non-comblé. Ce qu’on associe souvent à la colère agressive, c’est le comportement qui suit. Ça, je suis d’accord, évidemment, c’est pas une bonne façon de se réguler dans sa colère, mais de la ressentir, ça par exemple, c’est essentiel. 

Laurie : Pour nous enligner un peu vers la fin, métaphoriquement, je nous enligne aussi vers une fin de relation, parce que, veut, veut pas, ça arrive, pis c’est pas nécessairement malsain de vivre des fins de relations, ça fait partie de la vie relationnelle, mais c’est difficile pour pas mal toutes les personnes impliquées quand ça arrive. Ce serait quoi tes trucs à toi pour se remettre en douceur d’une fin de relation?

Maïli : Je pense que la première porte vers laquelle on peut se diriger pour trouver une forme de réconfort dans ces fins-là, c’est la façon dont on interprète le sens de cette fameuse finalité, parce qu’on pourrait envisager, en fait, une relation comme une rencontre d’individus qui partagent une intimité à un moment X, mais, comme on se disait tout à l’heure, qui se permettent d’évoluer, ce qui fait qu’à un moment donné, à un moment Y, ça se pourrait que l’un ou l’autre de ces partenaires-là n’en retire plus quelque chose pis décide de poursuivre leur chemin, leur route, idéalement riches de ce qu’ils ont appris dans cette relation-là. Bon, ça l’air facile à dire comme ça, mais y arrive aussi des moments où les deux individus ou les individus ne s’entendent pas sur le fait que la relation ne sert plus, mais je pense qu’entrer en relation, c’est aussi prendre le risque de traverser des émotions qui sont parfois désagréables, même très souffrantes, mais qu’on peut travailler à mettre un peu notre égo de côté dans ce qui nous a blessé, pis de se dire que si on aime suffisamment et bien cette personne-là, si on la respecte assez, on lui laisse le choix de partir quand il ou elle en ressent le besoin. Si par exemple, toi tu décides de partir de la relation, évidemment je vais être triste, parce que je considère encore que cette relation-là m’apporte quelque chose, qu’elle est encore riche, mais juste par le fait que je vais t’avoir accordé cette liberté de partir, moi déjà je vais me sentir mieux dans le principe relationnel que moi je valorise à travers tout ça. Ça veut dire que si quelqu’un décide de mettre fin à cette relation-là, ça ne peut pas être complètement imputable à un ou à l’autre. Ce qui met fin à une relation, c’est l’incompatibilité, encore une fois, à un moment X des deux parcours ou des parcours individuels qui se rencontrent à ce moment-là pis qui parfois s’entrechoquent, aussi, dans les directions que chacun décide de prendre. 

Laurie : On a souvent tendance à chercher qui a eu tort ou qu’est-ce qui a causé la fin, mais finalement, y’a pas toujours un événement ou une personne en particulier qui a fait quoi que ce soit. 

Maïli : Exact. Des fois oui, des fois non. 

Laurie : (rires) Merci beaucoup d’avoir pris le temps de jaser de tout ça avec moi. Ça me fait vraiment plaisir, particulièrement parce que c’est toi. 

Maïli : (rires) Je te le redis, mais ça été un plaisir pour moi aussi parce que, bon, évidemment, je baigne constamment là-dedans dans mon travail, mais aussi dans ma vie personnelle, fait que ça m’a donné l’occasion de restructurer un peu les pensées que j’avais par rapport à ça. Pis de me donner une petite tape dans le dos, aussi, pis de me dire « Coudonc, le travail que j’ai mis là-dedans, éventuellement, ça paye aussi pour moi! » C’est le fun de faire ce bilan-là aussi pour la personne que je suis avant d’être sexologue. 

Laurie : Oui! Je pense qu’on devrait toujours un peu tout le monde se donner une petite tape dans le dos pour réaliser que c’est pas parce que y’a une relation qui finit que y’en a pas plein d’autres autour qui marche depuis super longtemps, que ce soit nos relations de travail, que ce soit nos relations avec nos frères, nos soeurs, nos cousins ou nos ami.es proches, c’est pas une rupture amoureuse qui va nous enlever ça pis qui va nous enlever la capacité de maintenir des relations, je pense.

Maïli : Absolument.

Laurie : On est capables, la gang! (Rires) 

Segment 4 : Retour sur l’entrevue avec Alex et Laurie

(Intermède musical)

Laurie : Merci tellement Maïli pour cette entrevue. Toi Alex, est-ce que Maïli t’a fait autant de bien qu’à moi dans cette entrevue-là?

Alex : Tellement là! J’ai tendance à beaucoup rationaliser les affaires que je vis pis je lis beaucoup d’ouvrages féministes et tout, pis ça fait beaucoup de bien, mais des fois c’est dur de raccorder tout ça avec le concret, pis je trouve ça tellement réconfortant d’entendre quelqu’un que je sais qu’elle a une pratique auprès de d’autres humains avoir cette réflexion et cette façon de travailler. Ça m’a fait beaucoup de bien pis je me suis sentie vue pis validée vraiment beaucoup dans cette entrevue, fait que j’ai le goût de te dire merci d’avoir invité Maïli, c’est vraiment hot. 

Laurie : À la place, on va lui dire merci à elle d’avoir fait en sorte qu’on fait pas juste exposer des problèmes tout le temps, mais dans son cas, d’exposer des solutions pis des pistes de réflexions vraiment plus positives.

J’ai le goût de commencer notre débriefing direct avec un quiz, Alex! Un quiz d’une seule question. (rires) Ma questions est la suivante : selon toi, qu’est-ce qui fait qu’on est plus enclin à vouloir rencontrer des gens pis créer des relations?

Alex : J’ai le goût de dire, bon, peut-être que je fais de la projection, mais j’ai le goût de dire la confiance en soi?

Laurie : Eh bien, non! (rires) Mais c’est sans doute un des facteurs, mais au moins cinq grandes études qui sont citées dans le texte de Claire Biddart : Les âges de l’amitié Cours de la vie et formes de la socialisation qui d’ailleurs, parce que là, je tiens à intégrer une nouvelle pratique : plutôt que vous dire à chaque fois que je vais mettre des trucs dans les notes de l’épisode, j’aimerais qu’on ait un petit son.  O.K., je reprends ma phrase, la variable la plus déterminante pour la sociabilité en général selon plusieurs grandes études, c’est l’âge. Avec l’avancée en âge « La taille du réseau de relations personnelles diminue. La fréquentation des membres de ce réseau chute elle aussi. » Devant ce fait surprenant et effrayant, je me suis dit que si je voulais faire un tour de piste représentatif des relations construites par les humains, un survol chronologique des relations importantes à diverses étapes de nos vies s’imposait. Fait qu’on y va en ordre chronologique aujourd’hui!

Alex : Yes! (rires)

Laurie : Comme vous le savez sans doute, depuis la nuit des temps, la naissance est un moment marquant de la vie humaine… C’est un beau sujet posé, hein! J’ai donc choisi de puiser dans la théorie de l’attachement, qui étudie les fondements de la relation entre un bébé et son principal caregiver. C’est un champ d’étude duquel ont découlé plusieurs réflexions sur les styles d’attachements, qui sont amplement relayées et reformulées sur les réseaux sociaux, pis que je vois passé souvent de façon plus ou moins scientifique, mais là j’ai fermé Instagram et j’ai lu des articles scientifiques dont celui de Susana Tereno, Isabel Soares, Eva Martins, Daniel Sampaio et Elizabeth Carlson, d’où provient la majeure partie des informations suivantes.

Donc, l’influence de la qualité de l’attachement entre un enfant et son principal caregiver dans la très petite enfance, donc avant un an, a des impacts sur les aptitudes relationnelles et la santé psychologique des individus à la fin de l’adolescence, et dans leur vie adulte. Ça a été largement étudié et prouvé partout dans le monde, l’information concorde quand même, pas juste dans les pays occidentaux. 

Alex : Ah, c’est intéressant!

Laurie : En étant bébé, ce qui est essentiel, c’est l’accès à la proximité physique et à la disponibilité émotionnelle de son caregiver, dans le fond. C’est important que l’enfant y ait accès constamment. L’objectif de ça, c’est que dans sa petite enfance, l’enfant et l’adulte qu’iel deviendra va pouvoir être aussi rassuré par le fait de savoir que le caregiver soit potentiellement disponible que par la proximité en soi. Petite citation : « S’il existe une histoire de vie dans laquelle l’individu a eu des occasions d’interagir avec des figures d’attachement qui ont fonctionné comme havre de sécurité et base de sécurité (et, à travers elles, de ressentir le self comme compétent et méritant l’attention et le soutien des autres), en situations d’adversité, le recours à des relations d’aide sera plus facile. »

Alex : Quand tu sais que tu peux demander de l’aide pis recevoir de l’aide, tu vas avoir plus tendance à te sentir bien pis à recourir à cette aide-là.

Laurie : Exact. Parce que c’est pas te mettre en danger d’aller demander de l’aide. C’est quand même important aussi de dire et de se rappeler que même si ces réflexes relationnels peuvent être liés avec le type d’attachement qu’on va vivre plus tard, les études on est pas déterminé à jamais par des patterns relationnels précoces.

Alex : J’ai écouté récemment le podcast Le coeur sur la table de Victor Tuaillon, pis elle disait sensiblement ça, mais en d’autres mots, pis ça m’a fait vraiment comme une épiphanie. Ce qu’elle disait, c’est que le type d’amour que tu vas avoir reçu étant enfant, toute ta vie, tu vas penser que c’est ça qui est de l’amour normal. Peu importe c’est quoi que tu as reçu, t’sais, potentiellement c’était pas de l’amour ou c’était de l’amour maladroit, ben tu vas t’attendre à ce que ça soit ça, l’amour. C’est pour ça un peu qu’on répète des patterns aussi dans le reste de notre vie. Je trouve ça renversant comme information. 

Laurie : Finalement, ces comportement-là qu’on développe pour maintenir l’accès à la personne qui s’occupe de nous, ils sont appropriés, ils ont des répercussions même si le style d’attachement est désorganisé. Si, en tant qu’enfant, de te taire et de presque rien demander, ça t’assure que ton parent reste proche parce que y’est pas à boute, ben c’est quelque chose que t’apprend qui est fonctionnel, mais éventuellement, il faut développer des outils différents, parce que dans le monde social adulte, ben c’est pas fonctionnel pour nous garder bien avec nous-mêmes. 

Je poursuis quand même chronologiquement, parce que non, on ne reste pas bébé toutes nos vies. 

Alex : Fiou!

Laurie : Je passe à l’enfance et à l’adolescence. À ces âges où la socialisation est pas mal à son peak parce qu’on vit toujours en groupe, via la garderie, l’école, les camps d’été… Les relations principales, ou centrales, de nos vies passent graduellement de nos parents à nos amiEs. C’est aussi à ce moment qu’on commence à s’associer aux gens de façon identitaire, et non par nécessité de survie ou par proximité inhérente, mettons nos cousinEs, nos voisinEs. Notre identité se forge par notre création de liens. On s’associe plus naturellement aux gens qui nous ressemblent sur un certain nombre de points, qui illustrent d’ailleurs une ébauche de nos valeurs et de la hiérarchie de nos intérêts. Ce qui est le plus important pour nous, c’est ce qu’on va chercher chez d’autres.

Toi Alex, te souviens-tu des raisons qui t’ont poussé à te lier d’amitié avec certaines personnes plutôt que d’autres au primaire, ou au secondaire disons? Qu’est-ce que vous aviez en commun?

Alex : Ben c’est full intéressant ce que tu dis, parce que mettons, j’ai vécu vraiment un moment de remise en question de mes relations d’amitié entre le primaire pis le secondaire, parce que justement, en arrivant au primaires, mes amis c’était les enfants des ami.es de mes parents, du monde que je connaissais parce que c’était d’adon pis que je pensais que c’était mes ami.es, mais en grandissant, on avait de moins en moins de choses en commun, pis là, y’a vraiment eu une période où est-ce que je savais plus j’étais qui. Je savais que ces personnes-là ne me faisaient pas vraiment du bien dans mes amitiés, mais je trouvais pas des personnes qui me ressemblaient, mais quand j’ai trouvé ces personnes-là, je me rappelle que je suis allée vers des personnes plus artistiques, créatives, que je trouvais intéressante au niveau de leur expression de leur personne et de leur personnalité dans l’espace public, aussi, qui avait l’air un peu de s’en foutre du regard des autres. Je me rappelle vraiment d’avoir eu une période de « Fuck, j’ai pu les personnes avec qui j’étais confortable, mais j’ai personne avec qui je me sens à ma place ». Ça a été full dur. 

Laurie : Moi aussi, au secondaire, je me rappelle que quand est venu le temps de l’album des finissants, y’avait la photo des gangs, pis tout le monde avait sa gang, c’était facile, sauf quelques un.es d’entre nous. Je savais quelle était ma gang. Finalement, je pense que je suis sur trois photos de gangs, mais je sais pas encore à ce jour qui était ma gang, parce que c’est difficile de s’associer à des gens qui nous ressemblent quand on est encore en développement de qui c’est qu’on est pis qu’on le sait pas encore à 100%. 

Alex : Ben, exact!

Laurie : Pis tout ça, ça continue jusqu’à l’âge adulte, évidemment. On continue de se créer des ami.es selon nos intérêts, mais justement, quand on devient presque adulte, donc disons autour de la trentaine, là c’est vraiment le peak des réseaux contextualisés. Une socialisation qui est plus basée sur le contexte du genre « les amiEs de la ligue de balle », « les amiEs du rock », « les collègues de travail », mais  à ces réseaux s’ajoutent vraiment à côté les ami.es, au sens réel du terme. Les relations qui peuvent être sorties de ces divers contextes et consommées dans la sphère privée. Souvent, ces ami.es sont celleux qui ont traversé avec nous plusieurs étapes de nos vies respectives, sans que la relation s’en retrouve brisée. Notamment, des amitiés qui sont fondées à l’enfance et à l’’adolescence, mais qui ont survécu à l’épreuve du temps. Mais là, y’a une citation qui m’a tellement touchée, fait que là j’ai le goût de vous la lire, c’est ma journée citation : « Ces amitiés sont devenues à la fois plus souples, plus plastiques, et plus résistantes que les relations récentes, qui restent elles davantage attachées à une identité actuelle stabilisée. L’importance accordée aux amitiés d’enfance, le sentiment d’exception et d’éternité qui leur est attaché provient de ce qu’elles ont, par un « dépouillement » progressif des éléments contingents, atteint à une intimité et un attachement à la personne « en elle-même », qui leur confère une valeur particulière. La spécificité des amis d’enfance réside dans cette combinaison d’enracinement et de mobilité. » Est-ce que je suis toute seule pour qui ça me touche vraiment beaucoup? Pour toi, ça résonne-tu, Alex?

Alex : Tellement! Je le sais que tu le sais, mais je trouve ça tellement satisfaisant de la recherche qui exprime en mots des affaires que je ressens d’une façon floue, mais c’est plus fort que de l’amitié, les amitiés qui ont traversé le temps, mais c’est plus intentionnel que la famille. Je trouve que c’est une des choses les plus belles au monde, pis je trouve ça vraiment émouvant. 

Laurie : Je suis full d’accord. Théoriquement, aussi, c’est le type d’amitié qu’on est le plus susceptibles de mélanger à d’autres groupes d’ami.es, mettons, parce qu’on est pas confrontés dans notre identité, cette personne-là sait qu’on peut changer pis s’adapter à différents groupes, parce que c’est normal de pas avoir l’exact même personnalité avec certaines personnes qu’avec d’autres, parce qu’on s’associe selon différents traits de nos personnalités à ces personnes-là, mais des fois c’est quelque chose qui est stressant de relation en relation, de mélanger les groupes d’amis, parce que tu sais que tu es pas exactement la même personne, que tu communiques pas de la même façon avec chaque groupe. Moi, des fois, je me sens super coupable de ça, comme si je me connaissais pas assez pour être toujours pareil.le, mais non, c’est prouvé par la théorie que c’est normal, parce que justement, on définit selon différents traits.

Alex : Intéressant!

Laurie : J’avais le goût de vous faire une petite référence aussi à une toune d’Alanis Morissette qui est You Owe Me Nothing in Return. Ça me fait penser à ces relations-là qu’on se doit rien, t’sais, on est là parce qu’on s’aime, pis on est là. C’est tout, je vous conseille de l’écouter juste parce que c’est bon, j’adore Alanis.

Alex : Je pense que c’est une des raisons pourquoi on est aussi bien dans ces relations-là, parce qu’on sait qu’on peut exister, t’sais. 

Laurie : Oui. Bon, je m’enligne vers une autre question quiz, parce que là, on arrive à l’âge adulte dans la progression normale, parce que oui, j’étais à 30 ans pis je disais « presque adulte », fait que là, adulte, I guess que c’est autant de 40 ans, je sais pas. (rires) Je pense qu’on est déjà dedans. Je vais me calmer les nerfs!

Bref, à la vie adulte, il y a un déclin global de la sociabilité et une diminution de la fréquentation de cercles sociaux et d’ami.es. C’est le moment où nos amitiés sont basées sur une procédure « élective ». On choisit individuellement nos ami.es pour leurs valeurs profondes, on les considère comme des êtres rares, des êtres à part entière et non comme des parties d’un groupe. Ce déclin, qui se poursuivra jusqu’à la fin de la vie, ce n’est pas un gage d’une disparition de l’amitié dans nos vies, mais bien d’une modification de ses barèmes. On a moins d’ami.es, mais iels sont plus précieux, et les relations sont plus fortes. Toi, est-ce que tu sens déjà cette baisse au niveau de la sociabilité, ou tu te sens encore dans ton prime à vouloir rencontrer des gens?

Alex : (Rires) En fait, c’est intéressant parce que c’est justement ça que je fais en ce moment. Je fais des approches vraiment malaisantes, genre : « Allô, je te trouve vraiment nice, ça te tentes-tu? » En plus, en région, y’a pas d’endroits publics, c’est comme « veux-tu venir prendre un café chez nous? » Genre d’approches parce que je trouve que la personne, j’ai envie d’en savoir plus sur cette personne-là pis potentiellement de l’avoir dans ma vie, mais d’une façon vraiment super élective. Fait que ouais, je pense que je suis drette là-dedans. 

Laurie : T’es drette là-dedans, mais t’es encore à vouloir fonder des relations. 

Alex : Mais je fais des démarches actives, oui. 

Laurie : Toujours selon l’article de Claire Bidart, certaines grandes étapes de vie qui se passent souvent à l’âge adulte coïncident avec une diminution marquée de la vie sociale. Mais selon toi, Alex,  quels sont les deux événements qui diminuent le plus drastiquement nos contacts sociaux à cet âge?

Alex : Ben là, facile. Se mettre en couple d’osti, pis avoir des enfants, j’imagine?

Laurie : Ah ben criss, tu les as eu les deux! Elle, elle les explique selon les mots « le mariage » étant le deuxième plus marqué, et le premier étant le plus marquée avec la diminution de la vie sociale, c’est la naissance du premier enfant. Évidemment, y’a moyen de contrer cet isolement-là, en créant d’autres modèles de famille. Le mariage, ça se saute ben comme étape de nos jours, fait que j’en parlerai pas longtemps, mais la naissance d’un enfant, des fois, c’est tough. Je pense des fois à La Galère, ben c’est toi qui m’en as parlé l’autre fois Alex, mais dans cette série-là, le modèle familial est vraiment différent, pis je pense que la solitude vécue par les nouveaux parents doit être différente aussi parce que y’a un entourage présent. 

Bon, sûrement que vous me voyez venir, mais c’est l’heure de, roulement de tambour, l’input parental! Parce que ça fait pas longtemps que je l’ai vécu, la vie de nouveaux parents, pis c’est vrai, la solitude qui vient avec. Les bébés, c’est cute, mais ça jase pas fort pis ça demande beaucoup de soins et d’énergie. Même s’il n’y a rien de plus cute que voir leur évolution, il n’y a rien de plus aliénant que de ramasser les jouets qu’iels lancent par terre aux trois secondes et pleurent pour les avoir non-stop. Je vous réfère à un autre épisode de Where we at Mtl, double plog aujourd’hui pour elles, mais ça en vaut la peine, où elles parlent de l’expérience maternelle, pis c’est vraiment applicable aux parents peu importe leur genre. Je vous le conseille et le mets dans les notes de l’épisode. 

J’ai décidé de vous faire un topo le plus rapide que je pouvais, mais évidemment, pas si rapide que ça, de ce qui a eu beaucoup de valeur pour moi au niveau de mes amitiés, de ce que mes ami.es ont fait qui a fait que mes liens d’amitiés ont pu être maintenus au moment de la parentalité, parce que je pense que ça demande autant une adaptation pour notre réseau que pour les gens qui deviennent parents eux-mêmes.

Alex : Je trouve que c’est une responsabilité, pis là, je dis ça parce que j’ai une amie qui vient d’accoucher, pis je pense à elle pis son besoin de pas se sentir isolée, mais c’est une responsabilité du réseau de s’adapter, pis de faciliter ça pour la personne qui vient d’avoir un enfant. Mais j’ai hâte de t’entendre!

Laurie : J’ai essayé de faire le topo avec ma coloc qui vient d’avoir un bébé aussi pis on habite ensemble, fait que ça a été intéressant. Allô Melyssa qui fait nos réseaux sociaux! 

O.K., premier point : Maintenir le contact. C’est souvent difficile de se sentir délaissé au moment où on devient parent. Le temps qu’on a pour du small talk diminue, et l’espace mental qu’on a pour du deep talk aussi, donc les conversations deviennent un peu difficiles, mais les ami.es qui ont continué de venir me voir et de me parler de leur vie, même iels allaient être interrompu.es sept fois par les besoins des petits, ça a été très précieux. 

Deuxième point : Créer des liens avec les enfants. En temps de pandémie, c’est l’élément qui a achoppé beaucoup. Les ami.es qui ont tout de suite perçu mes enfants comme des nouveaux liens à chérir, comme des relations à développer, ça m’a touché.e beaucoup. Au début, ça peut ressembler à se coucher par terre devant le bébé pour lui faire des sourires même s’iel réagit peu, mais plus tard, ça peut se transformer en « passer chercher son ami-enfant pour aller manger une crème glacée » le temps que l’ami-parent fasse une sieste ou s’occupe de ses autres enfants. Bref, ne pas considérer l’enfant comme un obstacle à sa relation avec le parent, mais comme l’opportunité de connaître une nouvelle personne, et de participer à son développement. C’est réellement la meilleure façon de donner un break à ton amiE parent pis d’ajouter du punch à sa chosen family! Ces enfants-là font partie de vos vies.

Alex : Pis c’est tellement une chance pis un privilège, en fait, de pouvoir avoir des ami.es enfants. C’est full pertinent ce que tu dis. De pas les voir comme des obstacles, mais de les voir comme des nouveaux ami.es. C’est vraiment ça!

Laurie : Ben oui, pis surtout pour les gens qui veulent pas d’enfants, mais qui aiment les enfants, la présence de ces ami.es-là dans la vie de mes enfants, c’est tellement précieux, parce qu’iels ont un apport super important à leur développement. Venez jouer!

Troisième point quand même simple : accepter le changement dans la relation. C’est sûr que les discussions vont changer, à partir de maintenant, on va parler de caca un peu plus que prévu à travers nos discussions sérieuses, pis on va fêter un peu moins, mais c’est normal, ça va changer, ça va bouger, pis si la relation toughe ça, ça va devenir une relation tellement précieuse.  

Le quatrième point, mais non le moindre :  s’informer. Pis pas questionner l’autorité ou les décisions de ton amiE parent à moins d’un danger réel pour l’enfant, même si tu t’es informé, mais quand on devient parent, on doit apprendre des tonnes de nouvelles choses pour s’occuper adéquatement de ses enfants, mais ça aide vraiment pas quand les gens prétendent comprendre, ou nous contredisent sans s’y connaître plus que nous. C’est super tough, pis des fois, on le sait pas la réponse. On sait pas exactement comment tu vas pouvoir nous aider avec une super particulière dans le développement de l’enfant, mais pour vrai, si tu passes à la maison pis que tu me jases pendant que je fais la vaisselle, ça, ça va m’aider pour vrai. S’informer un peu partout sur les sujets qui concernent la parentalité pour pas non plus être complètement pris au dépourvu si l’enfant fait des crises non-stop parce que maudit, y’a deux ans et demi, pis si tu sais juste ça sur le développement de l’enfant, ben, ça nous aide.

Alex : Full bon point. 

Laurie : Merci aux amiEs qui ont eu ces rôles-là pour moi, je vous aime. Y’a-tu des affaires que toi, t’as trouvé tough dans cette transition-là, avec tes ami.es qui ont eu des enfants?

Alex : J’ai trouvé ça plus difficile de perdre des ami.es qui étaient en relation de couple fusionnelle que de voir mes ami.es avoir des enfants. Très honnêtement, là. Mais je pense que je vois vraiment les enfants de mes ami.es comme mes nouveaux ami.es miniatures, pis comme, j’en veux pas d’enfants, fait que c’est eux les enfants que je vais avoir dans ma vie, fait que je les aime, là. Effectivement, c’est tough d’avoir une conversation, mais je vais en avoir avec d’autre monde pendant un bout, pis nous, ça va être plus jouer toute la famille ensemble, pis dans cinq ans, ben on va être capables de parler pendant plus que trente secondes pis ça va être correct. Non, moi je vis vraiment ça comme un privilège.

Laurie : Je continue mon topo et je m’enligne vers le vieillissement et je pense aux aîné.es. Avec l’âge qui avance, à un moment donné, en étant vraiment plus vieux, ben les départs et décès de proches et d’ami.es augmentent et pour remédier à la solitude que ces départs impliquent, les aîné.es doivent refaire appel aux aptitudes de création de relations dont iels n’avaient potentiellement pas eu besoin depuis un bon moment, pis ça peut être tough. J’ai passé quelques heures sur le site de la Fédération de l’âge d’or du Québec, pour me familiariser avec le concept de l’isolement social chez les aîné.es. Cet isolement est calculé selon trois critères. Les deux premiers sont plutôt évidents, ils concernent le  nombre et la fréquence des rapports sociaux, mais le troisième m’a semblé plus sournois. Il s’agit du nombre d’occasions de jouer différents rôles sociaux. Ça me ramène à ce que Maïli disait dans l’entrevue, une relation, ça se fait à plusieurs,. Si une personne est constamment dans la position de recevoir des soins, mais demeure dans l’impossibilité de prendre une part active dans ses relations, elle risque de demeurer dans l’insatisfaction par rapport à son niveau de vie sociale. Il y a plein de rôles que les aîné.es peuvent vivre, y’a plein de choses qu’iels peuvent nous transmettre. C’est important de pas juste considérer que quand on passe du temps avec des personnes plus âgées qu’on les aide. On participe à une relation pis faut s’en rappeler. 

Toujours selon le rapport de la FADOQ, les trois plus grands facteurs communs à la plupart des cas documentés d’isolement social sont la diminution de la mobilité, la détérioration de l’état de santé physique, mentale et-ou cognitive résultant en une perte d’autonomie, et la précarité financière. Ces facteurs-là, y’a plusieurs personnes qui les vivent pas juste au moment de la vieillesse, on peut vivre à n’importe quel moment de notre vie une diminution de la mobilité, pis c’est vrai que ça a un gros impact. Faut juste se rappeler que ces facteurs-là, ça peut causer des obstacles à notre socialisation, pis ça peut dériver vraiment. La perte de ta mobilité va faire que tu vas moins aller à l’épicerie, donc tu parleras plus à des gens au quotidien, si t’as plus de difficulté à te rendre à l’épicerie, tu vas moins inviter des gens chez vous parce que t’as moins de stock pour les recevoir, je pense surtout aux femmes plus âgées, la notions de recevoir, c’est quand même fort, de te rendre chez le médecin, c’est compliqué, donc ça peut diminuer le soin de toi que t’arrives à prendre, fait que là, toi, t’es moins bien dans ton corps… y’a tellement d’impact, faut juste se rappeler c’est quoi les problématiques, pis si on peut agir là-dessus, ben là, nos relations avec ces personnes-là vont vraiment augmenter.

C’était mon grand topo de la vie relationnelle des humains!

Pis là, je m’enligne vers la fin parce que toute bonne chose a une fin, mais j’ai envie de parler de contexte relationnel at large, peu importe notre âge, de référer à un épisode qu’on avait fait avec Hugues Lefebvre-Morasse, dans lequel on a parlé de l’intersectionnalité qui était parfois forcée dans les plus petits milieux (notamment ruraux) par la moindre quantité de gens aux intérêts connexes. Je pense que c’est un facteur important des limites relationnelles aussi. En effet, l’importance de soigner ses relations est exponentielle quand la possibilité d’en créer des nouvelles est faible. Ça peut nous amener à accepter plus de compromis, à être moins rigides dans nos barèmes. C’est pas rare, dans les milieux militants urbains ou dans des cercles urbains d’ami.es politisé.es, de voir une personne exclue pour un point de discorde somme toute mineur, des fois majeur pis ça vaut la peine, mais des fois c’est pas grand chose, pis la même chose est moins fréquente en région (selon mon expérience). As-tu la même impression, Alex? 

Alex : Je trouve ça tough, je pense que t’as raison… Je pense que ce que je remarque, de mon enfance, pis maintenant, c’est que tout le monde le sait, mais tout le monde a comme… « Ah, mais lui, y’est de même! » Pis on le sait plus pourquoi, mais tout le monde se dit « Ayoye, va falloir qu’on y parle ». Je sais pas y’a comme un espèce d’accompagnement de la personne qui a des comportements lourds que, effectivement, la mettre au rebut.

Laurie : Des fois, c’est super beau pis super puissant ces relations-là qui se bâtissent, qui se brisent pis grandissent devant l’adversité, même s’il faut pas les entretenir à tout prix. Ça me fait penser à la critique que des aîné.es ont des fois envers nos générations qui divorcent à un taux plus élevé que le leur. Des fois, ils nous disent qu’on a peur des chicanes, qu’on ose plus travailler nos relations. Je pense que c’est pas injustifiable de mettre fin à une relation qui dépasse nos limites, pis c’est un point positif de nos générations, mais je suis un petit peu critique de la façon dont on fuit la conversation constructive ou le compromis sous le couvert de la radicalité, surtout dans les cercles militants. Pour moi, ça découle plus de la facilité que de la radicalité, fait que je pense qu’il faut se questionner là-dessus. Mais j’ai pas de réponses, évidemment!

Avant de finir, je vous recommande une couple d’oeuvres qui mettent en évidence des modes relationnels différents. Je vous conseille Pose pis Tales of the City (soit le livre ou l’une des adaptations télévisuelles disponibles sur Netflix) qui sont super touchants et qui illustrent bien le concept de famille choisie. Sinon, je vous suggère d’ajouter à votre liste d’écoute le bon classique d’Isabelle Pierre Le temps est bon qui est une de mes chansons préférées. 

Alex : Hein, moi aussi! Je l’aime tellement cette chanson-là.

Laurie : On vous conseille de l’écouter, vous autres aussi, pis un autre jour, je vous parlerai de non-monogamie, parce que ça aussi, c’est ma solution à la construction de relations de couple, mais… qu’est-ce que tu veux, je pense qui faut qu’on se taise. Faut tu qu’on se taise?

Alex : C’est tu tout ce qu’on avait à dire?

Laurie : Sûrement pas! 

Segment 5 :  Assis-toi sur ton sofa avec ton inconfort par Miriame Gabrielle Archin

Myriame : Les relations, là, c’est complexe. Tu prends deux ou plusieurs personnes multidimensionnelles, semi fonctionnelles, avec leur propre vécu, tu crisses ça ensemble, pis BAM! Un beau cocktail de trauma response, de coping mechanism et de comportements auto-destructeurs. Bon, j’abuse un peu, mais parlant de trauma, une chose que je trouve extrêmement importante d’aborder, c’est les relations biraciales hétéro, plus spécifiquement homme blanc-femme noire. That right there can become a shit show really fast. 

Les dynamiques de pouvoir telles que oppressé-oppresseur, marginalisé-privilégié, ne font pas abstraction des relations interpersonnelles. D’un point de vue sociopolitique, l’homme cis reste au top de l’échelle sociale, pis la femme noire cis, elle, reste au début de cette échelle, pis si c’est pas abordé compris et surtout, assumé, ben ça peut devenir crissement dangereux, crissement rapidement. Je parlais sur Insta avec un gars ben random, pis on s’est mis à parler de types de relation et d’identité émotionnelle, pis il m’a dit qu’en tant qu’homme blanc, dater une femme noire, ben c’était fucking rushant, ou quelque chose du genre. Pis, pour vrai, y’a raison. Il faut un rien pour tomber dans les dynamiques de pouvoir, surtout raciales, pis ça, c’est avec la dynamique de pouvoir homme-femme en sous-entendu, on s’entend. Pis le potentiel toxique de ce type de relation varie selon la capacité de la personne à reconnaître et travailler sur les aspects augmentant cette dynamique. Je trouve ça important, par contre, de dire que c’est pas toutes les personnes noires qui sont politisées ou qui naviguent le monde au travers de cette lentille, pis la seule différence en terme de relation toxique, c’est que c’est un peu plus difficile à cerner, parce que les notions de dynamiques de pouvoir sont pas nécessairement acquises. So yeah, you gotta work. Parce que de pas le faire résulte inévitablement à de la violence émotionnelle, mentale, et même sexuelle. 

J’ai daté un gars, pis en y repensant aujourd’hui, it was such a mess. So, y’était blanc, obviously, parce que sinon l’anecdote, elle serait juste pas pertinente, pis le sujet de la race pis de la dynamique de pouvoir revenait constamment. Cette conversation est inévitable. Le problème, c’est, de un, cette peur slash refus de se faire identifier par le groupe social auquel il appartient, c’est-à-dire les Blancs, et de deux, de prendre la responsabilité d’homme cis het blanc, venant d’une famille relativement aisée. While we are all our own person, we are also part of a society built on a long history of oppression and violence, that was just the fact, the basic idea. C’est une histoire tellement longue qu’elle opère encore aujourd’hui. Donc, je me suis retrouvée dans une situation d’emotional labor constant, en plus d’avoir mon anxiété on high et d’être en trauma response all the time. And that wasn’t cute on my end, je dois avouer. Une des choses que j’ai apprise de cette relation, c’est que, ben, ton anxiété, ça peut devenir un allié. En passant, vite de même, dater avec un trouble de l’anxiété généralisée, c’est rough. Dater un gars blanc en tant que femme noire avec un trouble de l’anxiété généralisée, j’ai même pas de mots pour ça. But you know, you gotta love them Chads. Pis si t’as pas compris la blague, c’est pas grave, c’était pour les auditeurices noir.es anyway.

Donc, mon niveau d’anxiété était un warning signal, pis parlant d’emotional labor, de trauma pis de limites, là, la communication… we gotta talk about that. Perso, je suis une grande fervente de ce qu’on appelle brutal honesty et de l’écoute active. Ce sont deux choses que j’ai apprises avec le temps pis que j’apprends toujours aujourd’hui, parce que t’sais, je considère qu’apprendre, c’est l’affaire de toute une vie, pis un de mes goals dans la vie, c’est de constamment devenir une meilleure version de moi-même, enfin, bref. Nous n’avons collectivement pas appris à communiquer, entre autres à cause de notre conditionnement social genré et racial, pour ne nommer que ça. Selon moi, une des nuisances de la communication, c’est de pas être en mesure d’exprimer ses émotions, oui, mais ne pas être en mesure de recevoir celles des autres. Pis, je mets la faute sur notre société capitaliste qui roule sur des oppressions systémiques, oui, mais sur la place que prend notre ego dans la communication. Ça, et vous l’aurez deviné…. l’inconfort! Personnellement, je considère que c’est la place que prend notre ego en tant que tel qui peut être problématique. Pis autour de moi, j’ai des personnes qui ont été conditionnées à rejeter le tort ou la responsabilité, pis des personnes qui ont été conditionnées à se faire petit. Fait que y’en a un qui est inconfortable d’avoir tort, pis l’autre est inconfortable de rendre l’autre inconfortable, pis la réalité là-dedans, c’est que c’est pas tout le monde qui veut travailler là-dessus. Les hommes cis sont une grand part de ceux qui ne veulent pas travailler là-dessus, pis ça, je le mets sur le dos de l’hétéronormativité et du colonialisme. Sans entrer en profondeur sur à quel point le colonialisme, c’est fucked up, un des narratifs imposés aux communautés colonisées est celui de l’hétéronormativité. Avant la colonisation, les relations liées aux genres et aux rôles attribués par ceci étaient très différentes et beaucoup plus saines, d’ailleurs. En gros, autant que la race est une construction sociale ayant été inventée strictement pour justifier les atrocités imposées à plusieurs communautés, autant que l’hétéronormativité a été introduite comme moyen de contrôle. À mon sens, la progéniture de cette invention est nulle autre que la monogamie toxique et tous les mythes qui l’entourent. Quand je parle de monogamie toxique, je fais référence à tout ce qui touche de près ou de loin au concept d’amour fusionnel. Ne former qu’un, trouver sa tendre moitié. Attention, même si moi, entendre ces termes-là, ça me fait grincer des dents, je dis pas que ces concepts sont en soi toxique. Le potentiel toxique est dans la notion sous-entendu et parfois très explicite de la possession. Que l’autre nous appartient, que l’autre devient le centre de notre univers et de notre monde en entier. Déjà, alerte à la codépendance, et aussi, yo, la pression. La pression posée sur le couple, sur les membres du couple, sur nommer la chose, ce qui devrait être simple… soyons clair! C’est impossible qu’une seule et unique personne puisse répondre à tous nos besoins. Come on, la gang! En tout cas. Combien de fois on a entendu les « Je savais plus qui j’étais », « je me reconnaissais pas », pis parfois ça se fait tout seul, pis compte tenu de la manière dont nous avons été conditionnés, it does make sens que ça soit ça. Maintenant, on ajoute à ça la notion du contrôle de l’intimité. Je parle de tous les « il veut plus que je vois mes ami.es », « elle veut pas que je sorte sans elle », pis les « y veut pas que je m’habille comme ça », ou encore on se donne accès à nos téléphones et nos réseaux sociaux… monogamie toxique.

I am gonna say this once : la sexualité et les sentiments ne sont pas codépendants, contrairement à ce que notre conditionnement nous a appris. L’identité et les besoins émotionnels d’une personne ne vont pas nécessairement être liés à son identité sexuelle, ou même à l’identité des autres personnes impliquées dans la relation, pis c’est correct. Pis c’est là qu’on peut lier tout ce qui a été mentionné plus haut et ce qui a été mentionné dans l’échange de Maïli et Laurie, selon ma compréhension de la chose, dans le fond, la différenciation fait référence à l’écoute autant de soi que de l’autre et à l’honnêteté tant envers soi-même et envers l’autre. L’autre chose qui m’est restée de la conversation avec le gars random sur Insta, c’est que tu peux avoir une identité émotionnelle, mais être capable d’en naviguer plus qu’une. Par exemple, lui, son identité, c’était la monogamie, mais y’était confortable à naviguer le polyamour. Ou encore moi, quand je me projette, le type de relation qui semblerait être mon idéal, ce serait une relation émotionnellement monogame, mais sexuellement ouverte. Fait qu’au final, brutal honesty is the shit, parce que nos identités relationnelles et nos besoins relationnels changent et évoluent. Une relation avec une personne peut inspirer une chose, tandis qu’une relation avec une autre personne peut inspirer autre chose. Autant que l’identité d’une relation, d’une personne avec un ou d’autres personnes peut changer avec le temps.  Fait que, sur ce, je vous dis à la revoyure et si quelqu’un s’est senti inconfortable, qu’iel aille s’asseoir sur son sofa avec pour le regarder dans le blanc des yeux, ou qu’il prenne rendez-vous avec Your Black Best Friend, un service d’accompagnement pour personne blanche et non-noire par rapport aux compréhensions de la négrophobie et de la déconstruction des biais inconscients liés à ça. Une initiative de yours, truly. 

Segment 6 : Mot de la fin

(Intermède musical) 

Alex : Bon, ben merci à Myriame Gabrielle Archin d’encore nous couper la parole, c’est toujours apprécié. On est vraiment contentes de t’avoir! C’est ce qui conclut cet épisode de toutEs ou pantoute, on s’enligne sur une nouvelle thématique dans le prochain épisode, que j’ai spoilé dans l’épisode précédent! On va parler de la notion d’Allié.e.s et de care. D’ici là, écrivez-nous pour ce qui pour vous est le plus important dans une relation. Est-ce que c’est rassurant ou freakant les discussions sur les barèmes relationnels? Êtes-vous plus traditionnelle ou crémeuse?

On a le goût de vous entendre, pis de vous lire, faque gênez vous pas pour nous écrire sur nos médias sociaux, on s’appelle toutEs ou pantoute pis on est sur Instagram et Facebook et on a même un courriel toutesoupantoute@gmail.com

Laurie : Aussi, on vous invite à nous écrire si vous pensez qu’on peut s’améliorer d’une quelconque manière. C’est quoi nos angles morts? Qui on oublie, qu’est-ce qu’on oublie? Hésitez pas à nous aider à être meilleures, on est pleines de bonne volonté pis on sait qu’on est pas parfaites. Si vous avez une passion, un talent, une expertise, pis que vous aimeriez partager ça, en suivant le schéma communicationnel de Jakobson pour vous assurer d’être compris parce-qu’on -oublie-pas-que-la-communication-c’est-la-base, écrivez nous! On sait pas dans quelle mesure on va pouvoir vous mettre sur la map, ça va nous faire plaisir d’essayer. On est toujours à la recherche de nouveaux sujets, et de personnes de tous horizons pour en parler avec nous en ondes. On veut sortir de nos cercles!

Alex : On dit qu’on veut sortir de nos cercles, mais chu ben contente que tu sois resté.e dans le tien, Laurie, pis que tu aies invité ton amie aujourd’hui. Merci à Maïli Giroux-Dubois de nous avoir apaisé via l’entrevue du jour. Merci à Miriame Gabrielle pour son nouveau segment plus que rafraîchissant. Merci à Elyze Venne-Deshaies pour les brand new jingles, avec Christelle Saint-Julien à la harpe et Henri-June Pilote aux percussions. Merci à Odrée Laperrière pour notre visuel. Merci à Cassandra Cacheiro pour les photos. Merci à Marin Blanc pour le graphisme. Merci à  Marie eve boisvert pour le montage, à Maïna Albert pour l’habillage sonore. Merci à Ève-Laurence Hébert pour la coordination et Melyssa Elmer à la gestion de médias sociaux. Merci à Émile Perron et Cararina Wieler-Morin pour notre site web et merci à Émilie Duchesne-Perron pour la transcription des épisodes. Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien, et finalement, merci à vous autres d’avoir joué avec nous!

Laurie et Alex : Bye bye! 

(générique de fin)

Fin de l’épisode