S3E6 – La notion d’alliéE avec Pierrette Coulombe

Segment 1 : Introduction

(Musique d’intro)


Laurie :
allô allô à toutes avec un criss de gros E à cause c’est toujours ben la base essayer d’inclure tout l’monde! Pour celleux qui nous écoutent pour la première fois, toutEs ou pantoute, c’est comme quand quelqu’un prend la peine de te demander tes pronoms et accords avant de dire au monde entier à quel point tu lui tape sur les nerfs, mais au moins sans te mégenrer.

Alex : Aujourd’hui, on continue notre bloc de 2 épisodes sur le soutien radical. On parle de la notion d’alliée et de relation d’aide avec Pierrette Coulombe, une auteure prolifique du Saguenay Lac-St-Jean. Après l’entrevue, on va continuer à parler de la notion d’alliéE et de comment mieux reconnaître les inégalités que cachent parfois nos postures privilégiées. 

Laurie : Pos on va conclure avec une participation spéciale mais récurrente de toutEs ou pantoute revisitée, à la fin de l’épisode. Une collaboration qui nous fait tripper ben raide pis qui va vous faire regretter d’avoir fait stop avant la fin si jamais c’est votre genre. 

Alex : ToutEs ou pantoute, c’est bon d’un bout à l’autre, faut pas faire ça! On commence cet épisode drette là, à la vitesse où les justifications viennent trop souvent remplacer les excuses qu’on doit aux personnes qu’on a blessé par ignorance.

Segment 2 : Présentation de l’invitéE

Alex : Tout au long de la saison, on va explorer les thèmes choisis en les étirant sur deux épisodes, qui vont en explorer des facettes différentes, mais toujours avec la même approche féministe, queer, et interrégionale. L’un des épisodes va être plus intello-recherche-philosophique-remise en question de toute, et l’autre plutôt créatif-artistique-féérique. Aujourd’hui, c’est Laurie qui prend le lead, avec un épisode ancré dans son univers créatif et sensible.

On part! Mais avant, side note, si vous voulez encore plus d’épisodes de toutEs ou pantoute où on continue de jaser des mêmes sujets sur des angles différents, considérez vous abonner à notre Patreon, au Patreon.com/toutesoupantoute! On parle de ce qu’on a pas eu le temps de dire dans les épisodes réguliers, ce qui est pas mal d’affaires.

Laurie : Vous pouvez aussi nous faire des dons non récurrents si vous avez peur de l’engagement, comme moi, les liens pour ce faire sont dans les notes de l’épisode! Pis aussi vous pouvez juste être là pis écouter, c’est déjà tellement hot, pis merci. On est-tu prêts pour commencer?

Alex : GO!

Laurie : Juste avant de commencer, j’ai envie de vous avouer que je suis un peu stressée de me mettre les pieds dans les plats en parlant de trucs plus loin de moi, mais je promets de faire de mon best. Je veux commencer en reconnaissant les innombrables privilège, que je partage avec toi aussi, Alex, je pense. Je suis blanche, mince, issue d’une famille fonctionnelle, je “passe” (suis facilement perçue comme cis et straight), et j’ai un bon réseau de soutien. J’arrive à me loger et à nourrir ma famille. J’en ai pour les fins pis les fous, des privilèges, pis c’est justement à cause de mes nombreux privilèges que je trouvais important de parler de la notion d’alliéE, parce que je sais qu’une grande partie de nos auditeurices sont pas mal privilégiées comme nous, et que ces discussions-là sont importantes à avoir. On a la tâche de se watcher entre nous pour essayer d’être moins nuisibles et de surveiller plus activement nos biais inconscients. Fait qu’on se lance là-dedans!

Alex : Avec bienveillance!

Laurie : Toujours! Je vais vous présenter l’invitée d’Aujourd’hui. En fait, on parle souvent de santé mentale, d’oppressions sexistes et de queerness à toutEs ou pantoute, parce que c’est là que nos privilèges achoppent le plus. On a aussi fait des épisodes sur la charge émotive et raciales des personnes noires, la discrimination envers les travailleureuses du sexe, le dating pour les personnes en situation de handicap et de plusieurs autres enjeux, mais notre invitée du jour vit des situations particulières dont on n’a pas encore beaucoup parlé, en plus d’être une auteure plutôt prolifique dont les œuvres visent à favoriser le bien-être des personnes qui les lisent. Il s’agit de Pierrette Coulombe.

J’ai souvent parlé de la tendance qu’on a, dans les milieux militants et académiques, à dismiss les discours de certaines personnes qui n’utilisent pas le même vocabulaire que nous, ou qui expriment des idées qui diffèrent de par leur expérience de vie plus “terrain” qu’académique. C’est quelque chose que je trouve déplorable, et contre quoi je me bats quotidiennement.
Comme je n’ai pas de secrets pour vous, je vous dis tout : Pierrette, c’est ma grand-mère. Elle est éloquente, lettrée, elle réfléchit beaucoup, elle écrit. On se rejoint sur certains points, et sur d’autres pas vraiment, mais on arrive toujours à se parler respectueusement et on a toutes deux à cœur de vivre dans un monde toujours meilleur… ‘scusez pour la quétainerie, mais sûrement que vous êtes sûrement habituéEs, anyway! La recevoir ici, c’est une occasion pour elle de participer à ce que je fais, et pour moi de prendre le temps d’entendre son avis sur un sujet qui me touche. J’ose croire et espérer que cette discussion sera éclairante pour vous aussi. On y va!

(Intermède musical)

Segment 3 : Entrevue avec Pierrette Coulombe

Laurie : Alors, bonjour Pierrette, merci d’avoir accepté mon invitation, je suis très contente de te recevoir pour parler de la notion d’alliéE parce que je sais que c’est quelque chose qui te représente, pis je suis contente d’en parler avec toi aujourd’hui.

Pierrette : Bonjour, Laurie! Moi aussi, je suis contente.

Laurie : Je vais me lancer tout de suite dans les questions pour que les auditeurices apprennent à te connaître. J’avais envie qu’on commence simplement par une question… d’où te vient ton désir d’aider? Qu’est-ce que ça a influencé dans ta vie, ce désir d’aider-là?

Pierrette : D’abord, moi je crois que mon désir d’aider, il appartient à mes racines. C’est comme une abondance que moi j’ai vécu dans l’enfance. C’est sûr que j’ai eu de la chance de vivre dans un bon milieu. C’est dans l’enfance, avec mes parents, que j’ai vu comment on peut aider des pauvres, pis tout ça, parce que mes parents s’engageaient. Pis moi, étant donné que je suis la plus vieille de la famille, j’ai appris à prendre soin de mes sœurs, de mon p’tit frère, ça a beaucoup influencé, aussi, je pense, mes engagements. Une fois que j’ai été adulte, j’ai été engagée dans toutes sortes d’affaires. Adolescente, j’ai été responsable d’un carnaval, de toutes sortes d’affaires. Quand on a été mariés et qu’on a eu des enfants, quand est arrivé le temps de l’école, les scouts, on s’est engagé là-dedans, nous autres ont s’est engagé là-dedans pour qu’il y ait des scouts à St-Félicien, pis après, je me suis engagée dans les couples, les couples en difficulté, toujours pour partager. C’était fondamental en moi, parce que d’abord, tout ce qui est injustice, ça me révolte. J’ai le frisson juste à en parler. Moi, je suis pour un monde égal, chacun a le droit au nécessaire.

Laurie : Absolument. Comme le sujet d’aujourd’hui, c’est la notion d’alliéE, qui est quand même, depuis toujours je pense que les gens s’entraident et s’allient les uns avec les autres, mais notion d’alliéE en soi, c’est une notion dont on parle beaucoup ces-temps-ci, mais je sais pas à quel point ça a toujours existé, fait que je vais la rappeler : un ou une alliéE, c’est quelqu’un qui ne vit pas une certaine oppression, mais sur qui les personnes qui la vivent peuvent compter et avoir confiance. Une personne qui est suffisamment informée sur les enjeux des personnes envers qui elle est alliée pour comprendre l’ampleur des différentes manifestations de l’oppression et pouvoir les confronter au besoin. Est-ce que toi, tu te retrouves dans cette notion relativement récente de la posture d’alliéE?

Pierrette : Ben, évidemment! Moi, je suis une femme qui s’allie facilement parce que, justement, je suis consciente des inégalités. On est tous sur une même Terre, une même planète, une même famille, c’est la famille humaine, c’est surtout ça.

Laurie : J’ai envie de retourner vers toi parce que, oui, tu as beaucoup aidé les gens autour de toi, comme tu disais tantôt, dans plein de contextes, autant adolescente qu’adulte, bref, dans tout ton parcours, mais au quotidien, toi, tu vis avec certaines conditions qui sont souvent mal comprises de la société en général, pis là, je vais diviser ma question en plusieurs volets, j’ai envie de te demander comment on peut, selon toi, un ou une bonne alliéE envers les personnes à mobilité réduite, et envers les personnes vivant avec la surdité ou avec une perte d’audition partielle ou totale?

Pierrette : D’abord, moi je pense que la première qualité, c’est juste de savoir aimer un peu. Savoir aimer assez pour se mettre dans la peau de l’autre. Être à l’écoute, pis être attentive, les autres ont des besoin, y’a pas juste moi qui a des besoins. Si je suis attentive à moi dans la situation que l’autre vit, ben ça me révèle mon besoin à moi, mon besoin humain, qui est aussi le même besoin que l’autre. À ce moment-là, savoir s’offrir, c’est se rapprocher, c’est s’approcher de l’autre qui me semble brimé dans son besoin essentiel. Je te donne un exemple : il suffit d’arriver près de l’autre pis de dire, parler au « je », « je m’excuse, est-ce que je pourrais t’aider? Est-ce que je pourrais te donner un petit coup de main? » Parce que si vous demandez à l’autre « Eh mon Dieu, t’as besoin d’aide toi, là! » … Eh, pedaye! Ça fait pas, parce qu’on y va avec un « tu », « t’as besoin » pis y’a pas personne qui aime avoir besoin devant tout le monde. Tu vas avoir une réponse, c’est « Non! »

Laurie : Toute façon, qui sait ce dont l’autre a besoin.

Pierrette : Ben, oui!

Laurie : Fait que l’écoute, ce serait ta première chose à retenir.

Pierrette : L’écoute attentive, pas juste voir pour voir pis essayer d’aider, parce que là, je vais en parler plus loin, aider, faut que ça vienne du fond.

Laurie : Une autre catégorie qui essaie de te recruter sans réussir, parce que, que veux-tu, on reste jeune de cœur longtemps dans notre famille, selon les exemples que j’ai, mais bon! Tu as accompagné et côtoyé plus personnes âgées et en fin de vie. J’ai envie de te demander, c’est quoi qu’on doit savoir, ou quelles sont les actions à privilégier ou à éviter pour être une bonne alliéE envers les personnes âgées autour de nous?

Pierrette : La sensibilité joue un grand rôle parce que si on est indifférents, pis si on passe sans les voir, on verra rien, on verra même pas que l’autre a besoin. C’est la sensibilité qui va te guider, un peu, si t’es sensible, tu développes un certain regard. C’est pas un regard négatif, ou un regard de jugement, non, c’est le second regard. Le second regard, c’est le regard de bienveillance, de compassion. J’aimerais pouvoir t’aider parce que mon cœur a mal de te voir, dans le fond, c’est ça que ça veut dire. Moi, je pense que c’est très important de développer le regard. Jamais regarder avec indifférence. Y’a des situations où on sent tellement la condescendance. Je vais te donner juste un exemple : j’étais en chaise roulante, ma sœur me poussais parce que je suis pas capable, à cause de mes pieds, de marcher très longtemps. Fait que, au centre d’achat, je prends une chaise roulante, mais y’a une personne qui me regarde, pis moi, je suis toujours bien maquillée, bien arrangée, j’ai donc pas l’air de souffrir, hein, bon… Je sens tout de suite son regard qui juge, je le sens le jugement, mais c’est comme ça, c’est ma réalité. On s’en va dans un magasin, pis là je débarque de ma chaise pour aller regarder un vêtement pis toucher les vêtements, j’allais m’acheter quelque chose. La madame en question rentre dans le même magasin pis elle me voit debout. On dirait qu’elle est fâchée, comme si elle s’était fait prendre, là… « Mon Dieu, est debout, est handicapée pis est debout! » Son regard a changé sur moi. C’était incroyable, la condescendance, comme si j’étais devenue une moins que rien. On le sent.

Laurie : D’où l’importance de considérer les gens avec le second regard dont tu parlais.

Pierrette : Les gens qui regardent de haut, là… ben, on le sent quand on est à la hauteur des fesses, t’sais.

Laurie : C’est clair! Parfois, c’est difficile d’être un ou une bonne alliéE pis de soutenir adéquatement certaines personnes ou groupes de personnes autour de nous pour plein de raisons. Selon toi, qu’est-ce qui peut biaiser notre approche ou nous empêcher de rester dans la bienveillance?

Pierrette : C’est toujours, toujours le regard de jugement. On est habitué de regarder en jugeant, avec une pensée toujours négative sur les autres. « Mon Dieu, regarde s’y l’attricure! Mon Dieu, elle aurait pu faire ça autrement aujourd’hui! » C’est le regard, le regard de bienveillance, on l’a pas toujours.

Laurie : Je m’essaye avec une question qui me semble plus complexe pis sensible, mais vraiment importante : comment on reconnait que notre aide est plus aidante, ou devient limitante ou nuisible pour l’autre personne? Quand est-ce que c’est mieux de se retirer?

Pierrette : Ah, ma chère Laurie, c’est tellement facile! Parce que notre désir profond d’aider s’éteint. Parce qu’un désir profond d’aider, c’est une mission, pis c’est comme un feu dans le cœur. Quand t’as le feu d’aider, t’es capable d’être un bon aidant et une bonne aidante, mais il faut savoir reconnaître ne plus avoir la force dans son corps, ne plus avoir d’élan, ne plus être intéressée. C’est comme si la vie décolore ce qui nous faisait tant vivre avant. Là, c’est comme… Ah, non, ça devient terne. Ça veut dire qu’on est rendu à la braise de notre feu, à notre cendre, pis il faut savoir accepter ça. Il faut beaucoup se méfier du vouloir aider, parce que le vouloir aider, c’est un désir tenace, qui vient de l’égo. Vouloir aider quand c’est plus le temps, quand c’est plus notre rôle, c’est un désir d’être utile, d’être valable, d’être reconnue. C’est donc important pour les personnes qui aident. Moi, j’appelle ça la différence entre les bénévoles et les missionnaires. Un missionnaire, ça a le feu au cœur, mais le bénévole, lui, il a un désir d’aider. Il VEUT aider.

Laurie : C’est ta façon de dire que le vouloir aider, c’est quelque chose qu’on fait pour nous-mêmes et non pour l’autre dans le fond, c’est ça?

Pierrette : C’est pour se valoriser, être bien vue aux yeux des autres. Bon… ça a une certaine valeur, ça peut aider aussi. Y’a des gens qui s’en aperçoivent pas, mais moi, je vous le dis, si vous voulez savoir quand y faut aider, pis quand est-ce que c’est bon d’arrêter… parce que j’ai vu aussi quelqu’un qui était dans sa fin de mandat, elle n’avait plus le feu pour aider, cette personne-là, mais elle voulait tellement être embarquée dans l’aide humanitaire que là, elle ramait pour être dans le bon bateau, parce que ça, ça nourrissait son image.

Laurie : Idéalement, on est pas dirigés par notre image, mais par notre désir que l’autre personne soit mieux.

Pierrette : Ouais, ouais.

Laurie : Je vais me diriger vers l’art, parce que t’es pas seulement ma grand-mère, t’es aussi une auteure, autrice… je sais pas quel mot tu préfères.

Pierrette : (rires) J’aime mieux le mot auteure, mais ça fait rien. Que ce soit autrice ou auteure, l’important, c’est d’écrire des livres.

Laurie : (rires) Ben comme tu préfères auteure, je vais utiliser auteure. Donc, tu es auteure et que je connais ton amour des mots d’assez près pour en avoir hérité, j’ai envie d’aborder une question qui revient de plus en plus souvent dans les milieux militants à propos de cette fameuse notion d’alliéE. Plusieurs communautés considèrent qu’on devrait mettre de côté l’idée d’être une alliéE, mais prioriser l’utilisation du verbe s’allier, qui relève d’un choix actif pis qui laisse transparaître que les luttes sont dirigées par les personnes concernées et soutenues par les gens qui s’y allient, pis qui réfute l’idée que d’être alliéE de quelque chose, c’est une identité en soi, qu’on performe de façon constante. Est-ce que ce questionnement-là résonne pour toi? Est-ce qu’une des deux formulations te semble plus à propos?

Pierrette : Heille, mets-en, Laurie! C’est incroyable comme tu m’as fait faire une différence. Moi là, être un ou une alliéE, là, ça me rejoint pas du tout. Ça m’intéresse pas vraiment. Pis c’est là que je laisse la place à ceux qui veulent aider. Moi, s’allier, ça me semble plus juste, plus englobant, plus une unité. Être un alliéE, ça marque une distance avec le groupe, on dirait. S’allier, c’est s’intégrer, c’est devenir, c’est entrer dedans. Allier, là, quand tu allies des métaux, ils rentrent l’un dans l’autre. C’est comme devenir avec eux. Devenir fort ensemble. C’est très différent, de s’allier.

Laurie : C’est beau quand tu dis que y’a les métaux qui deviennent un, mais y’a aussi moyen de s’allier pis de rester en-dessous, pour que ce qui shine, ce soit les personnes qu’on essaye d’aider.

Pierrette : Ouais!

Laurie : J’ai envie qu’on continue sur ta création artistique, parce que tu es auteure de plusieurs livres maintenant. Corrige-moi si je radote, mais j’ai le goût de dire qu’au moins deux de tes ouvrages sont clairement nés d’une volonté d’aider les lecteurs et les lectrices. Je pense à Tu es le bonheur que tu cherches et Le champagne de mon cœur. Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans l’écriture?

Pierrette : Tous mes livres sont en fonction de la croissance personnelle de la personne qui le lit. Tous mes livres, particulièrement Récupérer l’ombre, pis mon dernier, en tout cas, ils sont tous en fonction de devenir une personne adulte solide. Alors moi, mon désir d’écriture, c’est naturel en moi, j’ai tout le temps écrit, tout le temps, pis quand j’étais jeune, à l’école, on appelait ça la composition. Ça stimulait la créativité, on inventait des histoires pis on écrivait ça, pis moi, j’étais la King de l’école pour ça, j’aimais ça beaucoup, c’est tellement naturel. C’est comme chanter, chanter c’est naturel, moi je chante tout le temps, mais l’amour de la chanson, de la musique, je l’ai pris dans mon enfance, pis l’amour de l’écriture, elle était en dedans de moi.

Laurie : Qu’est-ce que cette forme d’art-là, l’écriture, te permet de plus que la relation d’aide directement?

Pierrette : Ce que je trouve le fun, c’est que quand on écrit un livre, c’est long, c’est ardu, c’est pas facile, mais on sait que le livre va demeurer. Les écrits restent, pis ça, ça me stimule, parce que je me dis « moi je suis bien assise dans ma chaise, je me repose ce soir, pis y’a peut-être dix personnes qui lisent des choses intéressantes et importantes! » On dirait que ça, ça me stimule beaucoup, pis c’est toujours dans le but d’aider les personnes à s’aimer, à s’accepter, à se connaître. Pour rejoindre le plus de monde, l’écriture, c’est vraiment un bon moyen, parce que quand on vieillit, on a moins de force, on a moins de temps devant nous, fait que je me dis, bon, il restera ça.

Laurie : Comme tu dis que tous tes livres sont écrits en fonction des gens qui les lisent, je me demande, quand on fait tout ça, tout le travail que ça demande, est-ce que ça nous aide pas un peu nous autres aussi?

Pierrette : Eh, mais Laurie, mais ça m’aide à moi en premier! Quand j’écris, l’écriture, c’est une source en dedans de moi, pis ça, ça jaillit en mots, pis même, y’a des fois où je reçois des mots que je connais même pas, faut que je regarde dans le dictionnaire! Ça va jusque-là, c’est ça, l’écriture, c’est un cadeau.

Laurie : Pis qu’est-ce qui t’inspire le plus?

Pierrette : C’est les relations. Les relations, ben sexuelles, aussi, mais surtout interpersonnelles. Pis justement, ça va jusque à la relation sexuelle, les relations interpersonnelles. Mais les relations qu’on a, on a tellement de problèmes avec nos liens. T’sais, des familles qui se brisent, des couples qui se séparent… on a de la misère à gérer nos relations, mais c’est juste parce qu’on sait pas tout, on sait pas les formules les meilleures pour communiquer. On a pas appris ça dans notre enfance. On peut pas avoir appris ça à la maison parce qu’on vient de générations qui n’ont pas eu les conversations tout le temps appropriées. Je pense que moi, c’est toujours dans le but de l’unité du monde, dans le fond. Dans le fin fond, tu me fais découvrir ça, c’est l’harmonie. Moi, j’aime donc la paix, qu’on soit en paix, qu’on vive en paix, mais pour être en paix, ça prend aussi des notions de paix. Il faut les apprendre, apprendre les notions de paix qui peuvent nous aider à vivre en paix.

Laurie : Oui, pis je pense que pour vivre dans l’harmonie, on a pas besoin de comprendre toutes les réalités des autres, mais on a besoin de les écouter, pis de les respecter.

Pierrette : Exactement! Pis surtout pas les juger.

Laurie : Surtout pas!

Pierrette : Le jugement, je trouve, vraiment, moi, c’est la graine de sable dans l’engrenage. Un petit jugement ou un gros jugement, ça peut faire autant de mal. Pis ça, ben ça t’empêche de rouler carrosse, hein!

Laurie : Pour terminer, je me demandais, qu’est-ce qu’on surveille pour toi, dans la prochaine année? As-tu des projets de création? Parce que t’es dur à arrêter!

Pierrette : Ah, ben c’est impossible d’arrêter! Tant que je serai pas morte, je pense, je vais être vivante, j’ai un cœur battant. Pour le moment, j’ai toujours mon livre au niveau de la famille, un livre de renseignements sur tout mon vécu à moi, de mes grands-pères, mes grands-mères, tout ce que je sais, au moins, je veux le léguer à mes enfants. Ça, c’est probablement le dernier livre que j’écrirai. Je suis pas comme Janette, moi, je pense pas que je vais vivre jusqu’à 95 ans! Moi, pour le moment, c’est ça qui est commencé, c’est sur ma table, pis j’y travaille un peu tous les jours, mais je veux surtout demeurer disponible. M’ouvrir à accepter ce qui va se présenter maintenant. Je pensais pas que je reviendrais à St-Félicien. Si j’ai été reconquise par la ville, par les personnes, ben j’ai peut-être quelque chose à faire ici dans les environs. Je veux juste m’ouvrir à accepter, à accueillir la nouveauté en toute liberté. J’ai juste ça à faire, maintenant. J’aimerais donner des conférences, ou partager avec des petits groupes. Moi, parler, jaser, placoter ensemble, ça m’avance! (Rires)

Laurie : Ben c’est parfait, on fera des podcasts!

Pierrette : Oui! (Rires)

Laurie : Merci beaucoup d’avoir accepté mon invitation!

Pierrette : Merci beaucoup, Laurie! Bonne chance à toi dans tous tes projets.

Segment 4 : Retour sur l’entrevue avec Laurie et Alexandra

Alex : Quelle belle entrevue, Laurie! Merci de nous avoir fait rencontrer Pierrette.

Laurie :  Oui, c’était le fun! J’ai envie de revenir sur quelque chose dont on a un peu parlé dans l’entrevue parce que ça nous permet de rentrer dans l’épisode grâce à notre fameuse passion commune des mots.

S’il était coutume jusqu’à y’a pas ben ben longtemps de se considérer comme alliéE des “causes” qui nous tiennent à cœur, mais ce terme-là a été beaucoup critiqué dans les dernières années. Certaines personnes ou groupes penchent vers le verbe “s’allier” plutôt que le nom “alliéE”, alors que d’autres proposent des nouveaux termes comme complice ou co-résistante : je vous mets en note d’épisode la Trousse d’outils pour les alliéEs aux luttes autochtones de Réseau qui définit bien ces termes-là. Reste que certains points font consensus pis que je veux les rappeler parce qu’ils sont quand même importants :

  1. Tu peux pas t’autoproclamer alliéE
  2. Les actions comptent plus que le mot par lequel tu te définis
  3. Tu peux pas être alliéE juste pour ben paraître. Il  faut que t’agisses dans la sphère privée aussi, là où c’est tough.

On va essayer de parler de ça un peu aujourd’hui. Je sais que c’est impossible de devenir un expert ou une experte de toutes les situations de marginalisations ou de précarisation du jour au lendemain. Tout connaître, et être unE AlliéE avec un grand A de toutes les communautés et individus en même temps, c’est pas réaliste. Par contre, ça veut pas dire qu’on peut pas offrir le respect et la considération de base à toutes les personnes indépendamment de ce qu’elles vivent. Si la connaissance absolue est inaccessible, je pense sincèrement que le respect absolu est tout à fait réaliste comme objectif. Penses-tu que j’exagère Alex?

Alex : Ben non! C’est un peu ce que Pierrette disait, c’est vraiment vrai, quand elle parlait du regard de jugement… partir avec le respect pour toutes les personnes pis partir avec le « je sais pas tout à propos de cette personne-là, donc je lui dois le minimum de respect, autant que je me respecte pis que je respecte les personnes que je connais personnellement. » C’est la câlisse de base, je suis vraiment d’accord.

Laurie : (Rires) Oui, pis j’enfonce le clou là-dessus, ça peut sembler ridicule de le spécifier, mais je le fais quand même : aujourd’hui, comme toujours, les réflexions qu’on va avoir aujourd’hui vont être basées sur le principe que tous les humains sont égaux et devraient avoir les mêmes droits de base. J’ajoute à ça qu’il ne suffit pas “d’avoir” ces droits, il faut aussi pouvoir réellement en profiter. C’est là que la notion d’alliéE entre en compte. Les raisons pour lesquelles des personnes sont marginalisées et précarisées existent à cause des normes sociales. S’il est essentiel de mener et soutenir les luttes pour l’égalité, ce n’est pas pour donner ce qu’on a à des personnes à qui il manque quelque chose. Le but, c’est de réaliser que la société est construite pour faciliter la vie de la majorité, du monde qui fitte dans la norme, au lieu d’être conçue pour faciliter la cohabitation de tout le monde ensemble. Quand on s’allie à des groupes marginalisés ou précarisés, il faut toujours s’assurer de le faire par conviction, par volonté de contribuer à atteindre leurs objectifs, de faire valoir leurs revendications, et d’aider à répondre à leurs besoins, et pas d’arriver avec l’impression qu’on sait ce qu’il faut pour les « aider » à s’adapter à notre version de « la vie normale », entre gros guillemets.

Alex : C’est le shift, vraiment, de base, qui fait que ça peut aider ou que ça peut nuire.

Laurie : J’ai l’impression aussi. Ça fait un bon moment que je lis sur toutes sortes de sujets en préparation de cet épisode. Les informations et mes réflexions du jour viennent éléments de plusieurs lectures que je mets en note d’épisode, mais je mentionne quand même rapidement les principales : le livre Disability Visibility – First Person Stories From the Twenty-First cCntury édité par Alice Wong, vraiment intéressant sur toutes les sortes de handicaps pis à plein d’intersections différentes, c’est plusieurs écrits de plusieurs personnes, donc c’est vraiment, vraiment intéressant. Je vais parler aussi d’information qui viennent du mémoire de maîtrise de Pascaline Lebrun sur l’Accompagnement des demandeurs d’asile au Québec et au Canada, des zines du CATS (Comité action des travailleuses du sexe de Mtl), de la plateforme de revendications communes du REQIS (concernant les personnes sourdes signeuses et oralistes), des comptes Instagram de Sofie Hagen, June Pilote, et de discussions avec des amiEs dont ma meilleure amie Emilie Duchesne Perron qui m’impressionne souvent par la profondeur de ses réflexions et qui fait nos transcriptions textuelles d’ailleurs, grande nouveauté de cette saison qui peut être utile si vous êtes plus à l’aise de lire que d’entendre. (Allô!)

Malgré les différents types d’oppressions ou de marginalisation que peuvent vivre les personnes, certains points cruciaux demeurent au centre des revendications de la majorité de ces groupes :  l’accès à des conditions de vie décentes, le désir d’être considérés comme des humains à part entière au même titre que n’importe quelle personne privilégiée, pis l’importance d’avoir les moyens de s’épanouir socialement. Je me dis que d’essayer de s’informer et de s’intéresser sur ces enjeux communs, c’est déjà un pas pire départ. C’est comme ça que j’ai divisé l’épisode et je vais me concentrer sur ces points-là.

Alex : Bollé.e!

Laurie : Le premier point, donc qui revenait souvent, c’est l’accès au logement ou à des conditions de vie décentes. Je sais pas si vous saviez, il y a une crise du logement qui dure et s’étire dans les grandes villes d’un bout à l’autre du “Canada”. Les prix exorbitants des logements rendent encore plus fragile l’accès au logement des personnes qui vivent de la précarité financière, ou dont les revenus ne sont pas considérés comme les travailleureuses du sexe dont les salaires sont souvent non-déclarés, les réfugiéEs et demandeurs d’asile sans source de revenus présentement, mais qui pourraient en avoir si on reconnaissait leurs acquis. Mais même sans considérer la crise actuelle, avoir accès à un logement adapté à ses besoins, c’est quelque chose de presque utopique pour plusieurs communautés. Je pense notamment aux personnes en situation de handicap qui ont besoin de logements permettant leurs déplacements en fauteuil roulant.

Alex : Ben oui, ça coût cher, ces rénos-là!

Laurie : Même si certaines choses sont couvertes par des fonds gouvernementaux, ben crime, des rénos c’est long, aussi!

Alex : Quand on pense à combien de temps ça prend faire réparer un osti de robinet qui coule dans un appart, vous pensez que ça prend combien de temps de faire installer des rampes!

Laurie : Ouais, fait que l’accès au logement, c’est pas pareil pour tout le monde, pis c’est sans compter la discrimination par les propriétaires vécue par les personnes de minorités visibles, les personnes autochtones, les personnes trans… Pis je sais que la réalité est un peu différente un peu si on se décentralise de la ville – parce que l’accès au logement est moins couteux dans certaines municipalités plus rurales – mais une chose qui reste, c’est que les discriminations dont je parlais ne s’effacent pas pour autant, et les services sont moins nombreux pour des personnes qui ne parlent pas français et qui ont besoin d’aide dans leur processus de demande d’asile, par exemple. Des réfugiés qui tentaient de s’installer à Québec par exemple, qui est quand même une grande ville, déploraient que l’accès aux services se faisait pratiquement juste à partir de Montréal, parce que les organismes ne sont pas subventionnés pour aider les gens dans leur situation. Fait que t’as pas le choix de te loger en ville, mais c’est pas accessible… Tout qu’un dossier!

(Intermède musical)

Laurie : Le deuxième point qui ressortait dans une grande partie des textes que j’ai lus, c’est la perception extérieure et son impact sur l’estime personnelle (ainsi que sur l’accès à l’emploi qui est un autre problème récurrent). Dans le fond, chaque fois que t’as besoin que quelqu’un détermine ta valeur, les préjugés sont forts, et ils sont ancrés dans notre société. T’sais, on en a tous des conceptions qui sont remplies de préjugés et qu’on doit déconstruir. Moi, j’ai grandi au Lac-St-Jean, pis on est reconnus pour être travaillants, c’est une qualité que j’ai souvent entendu pour nous vanter, comme une valeur importante, mais ça venait aussi avec une vision asez négative des personnes qui bénéficient de l’aide sociale, par exemple, ce qui pouvait facilement dériver vers du racisme envers les personnes autochtones des communautés auteur, pis qui revenait aussi avecla présumée nature paresseuse d’untel ou unetelle parce qu’iel est grosse. Quand on se rend compte que notre cerveau vient de faire un lien comme ça, parce qu’il en fait, c’est comme ça qu’on a été élevé, même par les meilleurs parents, c’est tellement ancré fortement dans la société, ben quand s’en rend compte, je pense qu’on doit prendre le temps d’y réfléchir deux secondes et commencer à corriger le chemin que prennent nos synapses pour tranquillement se débarrasser de cet automatisme-là, parce que ça sert à rien d’autre que se “remonter” un peu au détriment des autres, pis ça, c’est NON!

Alex : Aussi, c’est intéressant parce qu’effectivement, les préjugés pis se comparer, c’est un mécanisme pour se remonter, mais après ça, ne pas s’avouer qu’on est en train de faire ça, c’est aussi un mécanisme pour pas réaliser qu’on est une personne avec des défauts. De faire comme « Ah, non, moi je ne suis pas grossophobe, moi je ne suis pas raciste », c’est comme refuser qu’on a des failles, c’est comme deux couches qui sont super nocives pour les personnes, faut comme se demander c’est quoi le pouvoir qu’on a aussi, là. Est-ce que c’est juste que j’ai refusé que cette personne soit mon amie, ou c’est que je refuse une opportunité à cette personne à cause des préjugés que j’aie envers elle.

Laurie : Oui, exact, pis quand on refuse de reconnaître parce qu’on veut pas, justement, on dit « moi, je suis pas grossophobe », ben on empire notre cas, parce qu’on continue de faire les mêmes erreurs pis on les accepte comme une partie de notre identité. Ça devient absurde. Pis y’a quelque chose dont on parle pas souvent dans la perception extérieure, c’est que c’est un facteur particulièrement important dans la discrimination des personnes qui sont facilement judiciarisées, mettons celles avec un passé carcéral, les immigrants illégaux ou les travailleureuses du sexe, par exemple, ou même les personnes séropositives dans certains contextes. C’est pas qu’on ne les considère comme inférieures, mais souvent, dans le discours, on entend qu’elles sont comme moins méritantes de notre respect, ou de notre aide quand iels en ont besoin, parce qu’on considère leur situation comme parfois un choix, parfois non, mais comme le côté possible « choix » de cette situation, ça nous crée une méfiance qui nous empêche d’être solidaire. Faut qu’on se watche!

Alex : On entend ça souvent par rapport aux personnes trans ou aux personnes non-binaires, c’est à partir d’où que la société décide que c’est un choix. T’sais, même l’orientation sexuelle, ça fait pas longtemps qu’on s’est tous checkés dans les yeux pis qu’on fait « O.K., ceci n’est pas un choix ». L’identité de genre non plus n’est pas un choix, le poids n’est pas un choix. Comme société, on a encore de la misère à accepter, pis câlisse, même si c’était un choix, ça veut pas dire qu’on a pas besoin du respect, mais ça en est pas un.

Laurie : Exact, parce que de toute façon, même si c’est un choix, c’est un choix qu’on fait par rapport à nous-même et non pour brimer qui que ce soit, fait que rendu là, ça devrait même pas changer la quantité de respect qu’on reçoit.

(Intermède musical)

 Pis l’autre point, c’est l’accès aux services de santé, qui est vraiment pas égal pour tout le monde. On a vu à trop d’occasions, dans les dernières années, l’impact mortel de la discrimination des personnes autochtones dans nos hôpitaux qui a été mortelle. On a parlé dans l’épisode avec Nesrine Bessaïh sur la périnatalité du traitement différent reçu si tu es noire dans un contexte obstétrical vs si tu es blanche. C’est plus dur d’être pris au sérieux par certains spécialistes quand tu es gros ou grosse, parce que tout semble pouvoir être mis sur le dos de ton poids, même un poil incarné, « Ah, ben voilà, on a la raison! » Même chose pour les personnes trans, l’accès aux chirurgies affirmatives dans le genre nécessite des démarches complexes, longues et difficiles sur le plan psychologique. Souvent, ce qui ressort quand je lis les personnes que ça concerne, c’est que ce qu’on peut faire en tant que personne alliéE, ou pour s’allier à ses personnes-là, c’est de leur offrir de l’accompagnement à ces rendez-vous-là, de l’aide à remplir la paperasse qui vient avec, ou juste d’être avec eux autres, c’est pas les choses qui ressortaient comme les éléments qu’on peut faire assez facilement pour aider.

Alex : Oui, c’est concret!  

Laurie : Le point 4, la difficulté d’accès à la vie sociale. C’est pas nécessairement difficile pour toutes les personnes précarisées, mais ça peut être rapidement le cas quand tu ne peux pas communiquer avec la majorité, souvent parce que tu parles pas la même langue, ou parce que les lieux où se tiennent les activités ne te sont pas accessibles, ou dans le cas des événements et du contenu en ligne, parce que les créateurs ont oublié de considérer les personnes différentes d’elleux. Là-dessus, on a toustes notre bout à faire, nous autres aussi. Y’a des choses quand même simples qu’on peut faire : on sous-titre nos vidéos, on choisit des couleurs qui ressortent facilement et des polices claires pour nos écritures, pour les personnes non-voyantes ou qui ont des difficultés visuelles, on indique en mots ce qu’on voit sur les images, comme ça les logiciels peuvent les retranscrire. Ici, j’ai quand même le goût de faire un petit aparté pour spécifier que si on peut aujourd’hui traduire de plus en plus facilement des textes en ligne, rendant donc l’accessibilité, on oublie souvent que les langues signées, n’étant pas dactylographiées, ne sont pas accessibles pour ces moteurs de traduction. Le français s’écrit, mais pas la LSQ. Et certaines personnes parlent uniquement la LSQ et donc ne lisent pas le français, puisque c’est une autre langue. J’ai pas de solution miracle dans le cas du contenu en ligne par les individus, parce qu’on a pas le moyen de se payer des interprètes pour nos vidéos, mais pour la sphère sociale en général, je pense que l’omniprésence de la technologie rend de plus en plus absurde l’absence de traductions en langues signées. Il y a des écrans dans le métro, sur les abribus, dans les commerces, dans les restaurants, partout. Une vidéo en LSQ qui donnerait les mêmes infos que celles écrites pour les personnes oralistes serait tout à fait accessible, pis c’est peut-être quelque chose à considérer.

Alex : C’est fou toute la discussion depuis que tout est en ligne sur l’accessibilité de toutes les activités, qui est vraiment une discussion de privilégié, parce que oui, il y a toutes les choses dont tu parles qui sont super importantes, mais y’a tout l’accès financier à tout ce que ça prend comme infrastructure pour avoir accès au contenu qui est en ligne, pis en plus, c’est pas parce que t’as accès au contenu en ligne que t’es capable de le voir pis que t’es capable de l’entendre ou le comprendre. C’est plus accessible pour les personnes qui avaient déjà accès.

Laurie : C’est ça! C’est encore la majorité qui gagne, mais à quoi bon?

Alex : Elle était correcte, la majorité, câlisse! (Rires)

Laurie : On s’entend que ce que je nomme ici, c’est pas une liste exhaustive des trucs auxquels penser, c’est juste un survol très rapide de choses somme toute assez évidentes pour qu’on se rende compte, ensemble, que c’est pas impossible de remarquer tout seuls de ben des affaires. On a pas besoin de se le faire demander pour vérifier s’il y a de l’espace au restaurant où on veut inviter unE amiE grosse, ou qui est en fauteuil roulant,  qui serait pas confo dans les maudites banquettes avec les tables collées, ni pour spécifier dans nos événements si le lieu est accessible aux personnes en fauteuil roulant pour pas qu’elles se pointent pour rien ou aient à appeler d’un bord pis de l’autre pour vérifier, ni pour reprendre mononcle Marco qui dit des trucs racistes au souper de famille. Y’a des choses auxquelles on pense pas, mais y’en a d’autres qu’on sait, pis qu’on fait pas, pis ça on a 100% de pouvoir dessus. Me semble que si on commence par travailleur sur celles-là, ça va s’améliorer. J’ai fait un petit recensement de sites internet, livres et autres œuvres créées par des personnes concernées et qui peuvent aider à comprendre certaines réalités spécifiques, et j’ai aussi sorti quelques organismes qui peuvent vous permettre de vous impliquer directement pour aider certaines communautés. Peu importe ce qui vous interpelle, toutes ces suggestions-là, que je vais mettre en notes d’épisode, valent la peine d’y accorder votre attention, alors choisissez votre idée préférée et GO! Même si vous devenez pas expertEs de quoique ce soit, chaque élément discriminant qu’on comprend et contre lequel on se mobilise, je pense que ça peut être utile.

(Intermède musical)

Laurie : Pour clôturer, j’avais envie de te demander, Alex, pis pour ouvrir un peu la discussion at large, qu’est-ce que tu sens qu’on a à gagner, en tant que personnes privilégiées, à faire des efforts pour être plus inclusives et mieux informées sur les réalités qu’on ne vit pas?

Alex : C’est une bonne question, pis je trouve que c’est une question un peu, comment dire, à double tranchant, parce que je pense la question ne devrait pas être qu’est-ce que nous, on a à gagner, parce que je pense que c’est pas nous qui est au centre de cette discussion-là.

Laurie : Criss, t’as raison!

Alex : Pour une fois, je pense qu’on peut dire, « j’m’en câlisse de ce que j’aie à gagner, là, je suis en train d’essayer de faire quelque chose pour les autres », mais en plus, effectivement, clairement qu’on a à gagner, ne serait-ce qu’à avoir des points de vue différents sur des choses qui nous intéressent ou qui nous intéressaient pas parce qu’on savait pas que ça existait. T’sais, rencontrer plus de monde. C’est Miriame qui a dit ça dans un épisode, récemment, que quand on fait quelque chose pour la majorité, ben c’est la majorité qui en bénéficie, mais quand on fait quelque chose pour une minorité, ben c’est juste plus de monde qui en bénéficie, parce que veut, veut pas, ça va englober les personnes qui ont déjà des privilèges pour avoir accès à, par exemple, du logement, des activités, etc. On a tous à gagner, mais en même temps, même si on avait rien à gagner, ce serait ben correct. Qu’est-ce que t’en penses?

Laurie : Crime, t’as tellement raison! Je suis cassée. T’as 100% raison.

Alex : Je t’ai-tu callé dans ton propre épisode? Je m’excuse!

Laurie : Ben ça me fait vraiment plaisir, en fait! T’as 100% raison… ouain. Fait que c’est ça… est-ce qu’on a autre chose à dire ou ça sonne le temps de la fin?

(Rires)

Segment 5 : Assis-toi sur ton sofa avec ton inconfort avec Miriame Gabrielle Archin

Miriame : C’est parce que moi aussi, j’ai des choses à dire! Allô? Allô, c’est à mon tour!

Je peux pas commencer ce segment sans faire un gros shout out à Pierrette. Pierrette est définitivement invitée au cookout, for sure for sure. Ben, quand on va pouvoir faire des cookout, en fait… J’ai aussi besoin d’un T-shirt qui dit : « Les gens qui nous regardent de haut, ben on sent qu’on est à la hauteur des fesses. » S’il-vous-plaît, I need this on a T-shirt, allô team, de la nouvelle merch? En tout cas… Je vais reprendre mes esprits.

J’ai pas énormément de choses à ajouter, pis je suis très dernière minute, en partie à cause que pour ma santé mentale, c’était ben rough cette dernière semaine, fait que ça va être ça qui est ça!

Cette entrevue était remplie de sagesse, pis la chose qui m’est restée, c’est l’aspect d’humanité dans le concept d’alliéE, qui a été un peu été dépouillée, en fait. Surtout dans les milieux militants, en fait, dans ceux qui orbitent autour de moi. Pierrette a dit deux choses qui a mené à cette réflexion : en première lieu, elle a parlé de savoir s’offrir, et un peu plus tard, quand Laurie lui a demandé son opinion quant à la nuance entre être alliéE et s’allier, de la même façon dont je me considère pas comme une féministe intersectionnelle, mais plus comme une personne qui pratique un féminisme intersectionnel, elle a dit « être alliéE, c’est comme créer une distance, pis s’allier, c’est s’intégrer », pis je pense que l’image parle d’elle-même. So, for those who are… why are y’all working towards allyship? Like, what is the endgame? Qu’est-ce qui viséralement vous motive? I mean, oui, l’injustice c’est aberrant, mais après? Quand tu rentres à la maison, tu fais quoi? T’sais, si moi je te dis que, des fois, je pleure, le soir, parce que je suis une femme noire, ou parce que je pleure le soir parce que je peux pas faire mon épicerie de manière autonome. T’en fais quoi, de ça? Y’a un pattern récurrent en ce qui a trait au concept d’alliéE, pis c’est celui d’être près à crier haut et fort que nous sommes ou qu’on veut être des alliéEs, mais quand c’est le temps de vraiment se présenter, de poser des actions concrètes, d’être réellement confronté ou de confronter les autres, ben y’en a beaucoup qui manque à l’appel. C’est en partie là-dedans que je trouve qu’il y a un manque d’humanité.

En parlant de sa motivation à aider, Pierrette a parlé d’un feu ardent à l’intérieur d’elle. Il est où, ton feu à toi? Ce sera tout pour ce soir.

Si jamais, tu te dis « je sais pas quelle action concrète faire pour être alliéE, pour aller dans le chemin de la rédemption », tu peux aller sur la page Instagram Your Black Best Friend et prendre rendez-vous avec moi pour mettre de l’argent directement dans mes poches pour t’accompagner. C’est une option, on peut s’en parler… c’est juste que ce sera pas gratuit!

Segment 6 : Mot de la fin

Laurie : On remercie Miriame Gabrielle Archin de nous avoir coupé la parole! Toujours un honneur. C’est ce qui termine cet épisode de ToutEs ou pantoute. Merci à Pierrette Coulombe de s’être prêtée au jeu via l’entrevue et de me transmettre à coup de victoires écrasantes ses compétences de reine du Scrabble.

Alex : Quelle chance ! on revient dans deux semaines avec un tout nouveau bloc d’épisodes sur les normes et les biais sociaux. On va vous parler de colère et de grossophobie. D’ici là, on veut savoir, vous, est-ce que vous trouvez ça gossant ou important d’entendre des personnes blanches vous parler de la notion d’alliéEs? Qu’est-ce que vous avez appris récemment et qui vous aide à être des meilleurs humains? Êtes-vous à boute de reprendre mononcle Martin qui fait des jokes de gros? ! On a le goût de vous entendre pis de vous lire, donc gênez-vous pas pour nous écrire sur nos médias sociaux, on s’appelle ToutEs ou pantoute, pis on est sur Instagram pis sur Facebook, pis on a même un courriel, toutesoupantoute@gmail.com.

Laurie : Aussi, on vous invite à nous écrire si vous pensez qu’on peut s’améliorer d’une quelconque manière. C’est nos angles morts? Qui on oublie, qu’est-ce qu’on oublie? Hésitez pas à nous aider à être meilleur.es, on est pleines de bonne volonté pis on sait ben que nos connaissances sont pas à la veille de la perfection. Si vous avez une passion, un talent, une expertise, pis que vous aimeriez partager, écrivez-nous! On sait pas dans quelle mesure on va pouvoir vous mettre sur la map, mais on va essayer! On veut vous connaître et on est toujours à la recherche de nouveaux sujets, et de personnes de tous horizons pour en parler avec nous en ondes. On veut sortir de nos cercles!

Alex : Merci à Miriame Gabrielle pour son nouveau segment plus que rafraîchissant. Merci à Elyze Venne-Deshaies pour les brand new jingles, avec Christelle Saint-Julien à la harpe et Henri-June Pilote aux percussions et Marie-Frédérique Gravel au mixage et mastering. Merci à Odrée Laperrière pour notre visuel, Merci à Cassandra Cacheiro pour les photos, à Marin Blanc pour notre graphisme, Merci à Marie-Ève Boisvert pour le montage, Maïna Albert pour l’habillage sonore, Merci à Ève-Laurence Hébert pour la coordination et Melyssa Elmer à la gestion de médias sociaux. Merci à Émile Perron et Cararina Wieler-Morin pour notre site web. Merci à Émilie Duchesne-Perron pour la transcription des épisodes. Merci au Conseil des arts du Canada de son soutien, et finalement, merci à vous autres d’avoir joué avec nous!

Ensemble : Bye bye! 

(Générique de fin)

Fin de l’épisode